Vendredi 23 octobre 2009

Intervention de Fatoumata Sidibé, députée MR-FDF dans le cadre de la discussion de la déclaration du Collège de la Commission communautaire française –  23 octobre 2009.

L’intervention est disponible ici.

Le compte-rendu complet est disponible en cliquant ici

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers collègues,

La cohésion sociale est un des enjeux majeurs de Bruxelles. Si nous voulons en faire un véritable laboratoire de l’interculturalité, nous devons investir dans la cohabitation harmonieuse des différentes nationalités, langues, cultures, convictions et confessions qui font la richesse de Bruxelles.

L’exposé de la déclaration de politique générale qui trace les lignes directrices des priorités pour l’année est, je suppose, le signal de départ d’actions plus ambitieuses en matière de politiques d’insertion sociale, d’interculturalité, de diversité, de mixité sociale, culturelle et de genre, de lutte contre toute forme de discrimination et d’exclusion sociale.

Je note que le Collège va renforcer le dispositif d’alphabétisation en Région bruxelloise par la création d’un centre régional pour le développement de l’alphabétisation et l’apprentissage du français.  Je souhaiterais que le Collège développe également ses actions en matière de soutien et d’accompagnement scolaires des jeunes et adolescents.

Par rapport au parcours intégré de formation et d’insertion, je souhaiterais soulever la nécessité d’accorder une attention particulière aux jeunes citoyens belges d’origine étrangère.
En effet, à Bruxelles, les élèves  issus de familles d’origine immigrée sont surreprésentés dans l’enseignement technique et professionnel. Il importe de revaloriser ce type d’enseignement qui offre de réelles opportunités professionnelles à ces jeunes. Cependant,  si la relégation dans les filières professionnelles est le résultat de préjugés à l’égard des élèves et d’un manque de suivi et d’accompagnement de la part des parents, pour des raisons d’analphabétisme ou d’ignorance du système éducatif belge, vous conviendrez que cela mérite que l’on s’y attarde.

La proportion des jeunes faiblement qualifiés est  majoritairement composée de Belges descendants de migrants. En conséquence, il n’est pas étonnant de voir que ces jeunes occupent aussi une part importante parmi les bénéficiaires de l’aide sociale. Cette marginalisation entraîne une désespérance sociale, crée des tensions dans les quartiers populaires et concourt à l’éclatement de violences urbaines telles que celles que nous avons connues ces derniers mois dans certains quartiers et qui sont préjudiciables pour la paix et la cohésion sociales.

Des mesures spécifiques doivent rapidement être mises en œuvre par le Collège pour permettre à ces populations fragilisées, discriminées, minorisées, précarisées, marginalisées de participer pleinement à la vie économique, sociale et culturelle. Si nous ne mettons pas en place une politique ambitieuse, l’exclusion sociale continuera à alimenter les replis identitaires et/ou religieux qui assignent à résidence dans « une communauté » repliée sur elle-même où l’altérité est perçue comme une menace.

Outre le parcours intégré de formation et d’insertion, il me semble important, comme l’a déjà fait précédemment ma collègue Françoise Schepmans, de souligner l’intérêt d’également créer un parcours d’intégration individuel à l’attention des primo-arrivants adultes. Un tel parcours ne serait que bénéfique pour ces populations et les aiderait dans leur intégration au sein de notre société et dans le marché de l’emploi.

En matière de maisons d’accueil, j’aimerais attirer l’attention du Collège sur l’accueil, l’hébergement et l’aide psychosociale adaptée aux jeunes filles, femmes et familles qui se trouvent fragilisées sur le plan familial, relationnel, social ou matériel et qui se trouvent provisoirement dans l’incapacité de vivre de manière autonome. Il revient au Collège de prendre rapidement les mesures nécessaires pour pallier l’insuffisance de maisons d’accueil dédiées aux femmes victimes de violences physiques et psychologiques.

En matière de problématique du genre, de l’émancipation et de l’égalité hommes-femmes, nous devons continuer à remettre en question les traditions qui enferment et contraignent à des pratiques qui ne suivent pas les évolutions de la société.

Sous prétexte de ne pas stigmatiser des populations  défavorisées, certains démocrates sont prêts à accepter des traditions d’un autre âge combattues durant des siècles. Au nom du relativisme culturel, nous ne pouvons tolérer de voir des femmes vivre dans des conditions que nous n’accepterions pas pour nous-mêmes.

Nous ne pouvons abandonner des femmes, des hommes et ces enfants à un enfermement physique et mental,  justifié par le respect des traditions dont les contours sont dessinés par des fondamentalistes.

En ce qui concerne la problématique des jeunes filles qui désirent se soustraire aux mariages forcés et arrangés, nous devons soutenir toutes ces femmes dans leur aspiration au bonheur, créer des structures d’accueil spécialisées  d’aide et de protection, offrir des écoutes attentives et bienveillantes, créer le dialogue avec les familles pour accompagner les jeunes filles qui ne veulent pas entrer en rupture avec leur entourage.

Tout en préservant les spécificités culturelles, faisons clairement le choix de l’universel contre le particulier, de la citoyenneté contre les communautarismes. Le droit à la différence ne doit pas être perverti en différence des droits. Le vivre ensemble ne peut se construire que si les mêmes droits et devoirs s’appliquent à tous sans exclusive.

L’éducation à la vie sexuelle et affective n’est pas un luxe. C’est une nécessité. Selon une  étude récente, l’âge moyen du premier rapport sexuel serait de 16 ans et deux mois. Cette entrée dans la vie sexuelle et affective  s’accompagne d’un inquiétant constat de manque d’information : les jeunes filles et les jeunes femmes ont de plus en plus tendance à confondre interruption volontaire de grossesse et contraception. On assiste donc à une banalisation de l’IVG. Quand on note que près de 60% des 15-25 ans ont toujours des pratiques à risque, la vigilance s’impose en matière de lutte contre le sida et les maladies sexuellement transmissibles.

Un premier pas a été accompli au terme de la législature précédente avec l’adoption, par l’ensemble des partis démocratiques de notre assemblée, d’une proposition recommandant la généralisation des animations à la vie relationnelle, affective et sexuelle en milieu scolaire. Vous dites que dans le cadre de cette généralisation, des négociations  avec la communauté française et la Région wallonne débuteront dès 2010 afin d’aboutir à un accord de coopération proposant les modalités de cette généralisation par phasage.  Je serais donc particulièrement attentive à ce que les synergies nécessaires avec les différentes entités francophones soient rapidement mises en place et à ce que les acteurs de terrain soient étroitement associés à ce travail.

En effet, nous ne pouvons pas reporter la mise en place d’une politique systématique et  généralisée de l’éducation à la vie sexuelle et affective dans  l’ensemble des réseaux et des types d’enseignement.

Nous devons permettre aux filles et aux garçons  d’avoir accès à une information  permettant de promouvoir le respect de soi et de l’autre, de maîtriser leur fécondité et dès lors prévenir les grossesses non désirées, de connaître les pratiques pouvant mener à être infectés par le Sida et les MST. L’école est le lieu de l’éducation par définition où les jeunes peuvent bénéficier d’un espace de liberté et de dialogue afin d’appréhender avec confiance et sérénité, la vie affective et sexuelle.

Dans la même veine, je reviens sur la nécessité de rendre structurelles les mesures visant à  dispenser gratuitement la pilule du lendemain, la première plaquette de pilules contraceptives et à distribuer des préservatifs.

La multiplication des actes de violence, d’incivilité, de sexisme, d’homophobie, de racisme, de discrimination dans les établissements scolaires et dans la rue est devenue un phénomène généralisé. Face à cela, les jeunes, les parents, les enseignants sont particulièrement démunis.

Il existe un sexisme « ordinaire », une dégradation des relations entre les filles et les garçons. Dans nos écoles et dans la rue,  règne une atmosphère générale de non respect. La violence est banalisée : racket,  agressions de professeurs, insultes à tour de bras, affrontements de bandes rivales…

Cette dérive n’épargne malheureusement plus aucun quartier. Ce serait une caricature de limiter cette violence aux quartiers populaires. Pour favoriser le vivre ensemble et la cohésion sociale, il convient de généraliser l’éducation au respect dans les écoles et ce, pour  favoriser un respect mutuel, une meilleure compréhension entre les filles et les garçons,  lutter contre les préjugés omniprésents, contre la montée des modèles obscurantistes, la violence, la montée des extrémismes, du racisme, de l’homophobie, du sexisme.

Le vivre ensemble doit commencer dès le plus jeune âge à l’école, par la déconstruction des idées reçues, la libération de la parole, la remise en question des préjugés et des dogmes, la connaissance des droits et des devoirs fondamentaux.

Dès lors, j’attends des membres du Collège que d’une part ils ne se voilent pas la face, à l’instar de certains responsables communaux, par rapport à cette réalité bruxelloise et que, d’autre part, des actions concrètes continuent d’être menées sur le terrain.

Voilà, Mesdames et Messieurs les Ministres, les thématiques sur lesquelles je serai durablement vigilante au cours de cette législature.

Je vous remercie.

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