Accompagnement des femmes d’origine étrangère

Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale


Interpellation de Fatoumata SIDIBE à Bruno de LILLE, Ministre chargé de la Politique d’Egalité des Chances et à Benoît CEREXHE, Ministre en charge de l’Emploi  – 12 mars 2010 –
Concerne : l’accompagnement des femmes d’origine étrangère ou issues de l’immigration.  L’interpellation est disponible ici.

Le compte-rendu complet est disponible en cliquant ici

Depuis les  années nonante, on assiste à une féminisation croissante des migrations. Pour des raisons diverses (conflits armés, pressions intégristes, lois inégalitaires et sexistes, pauvreté, violences, …), les femmes migrent de manière indépendante.
Elles sont issues de la première et seconde génération d’arrivantes, primoarrivantes.
Elles sont jeunes ou plus âgées, de nationalité belge ou étrangère,  analphabètes ou universitaires, dans les centres fermés, émargent du CPAS, avec ou sans emploi,  étudiantes ou en formation, célibataires, mariées, veuves, divorcées, mères, chef de familles monoparentales. C’est la diversité qui  caractérise ces femmes.

Elles sont plurielles, par leur parcours migratoire, leur culture, leurs origines, leurs convictions religieuses ou philosophiques.  Il  est donc important de ne pas mettre un accent inapproprié sur la femme musulmane. Elle est une des composantes de  la communauté des femmes immigrées en Belgique.

De nombreuses associations, comme La Voix des femmes, Le monde selon les Femmes, la Coordination bruxelloise de la marche mondiale des femmes, le réseau des femmes africaines ont fait des analyses sur les vécus, les conditions de vie, les réalités et les difficultés auxquelles sont confrontées les femmes issues de l’immigration ou d’origine étrangère.

Il y a lieu de constater qu’il y a une méconnaissance de ce public. La rareté des travaux de recherches et d’analyses se heurte aux lacunes des données statistiques et sociologiques.
Or, si l’on veut développer des politiques en vue d’améliorer la situation des femmes, il paraît nécessaire et indispensable de disposer de statistiques sur la situation des femmes selon le sexe et selon l’origine ethnique. A côté du genre, l’origine ethnique doit en effet être intégrée de manière transversale dans toute réflexion, mesure, action et politique au niveau régional.

Les femmes, et en particulier les femmes d’origine étrangère, subissent des discriminations multiples. Dans son mémorandum, la Coordination bruxelloise de la Marche mondiale de femmes réitère un ensemble de revendications issues de constats dans ces domaines (contexte politique, logement, aménagement du territoire, mobilité, violence, emploi, petite enfance, santé).
L’association insiste sur le fait que « Réduire les inégalités dans l’accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi et à l’autonomie économique, assurer un accueil optimal des enfants, une lutte efficace contre la violence domestique et les discriminations ne peuvent se réaliser sans appréhender de manière juste et positive la dimension multiculturelle ». L’association insiste sur l’importance de prendre en considération aussi bien la dimension  genre que l’approche migration dans l’analyse des chiffres.

Je voudrais insister sur le travail mené par les femmes dans l’associatif pour pallier l’insuffisance des politiques d’accueil. En effet,  les associations ont permis aux femmes de s’organiser pour mieux prendre en main leur destinée, de participer de manière informelle au système politique, développer leur capacité de leader. Ces engagements, très souvent bénévoles, permettent l’acquisition de compétences, de s’occuper et se rendre utile, mais aussi d’apprendre plus et plus vite qu’avec des formations classiques.

Cependant, de nombreuses associations pointent le travail militant accompli sur le terrain avec des subsides souvent insuffisants, parfois inexistants. En dépit de leur situation financière précaire, ces associations réalisent des actions de solidarité, d’échanges qui sont une source d’enrichissement mutuel pour la société belge et leur communauté.

Face à un marché de l’emploi en récession et discriminatoire, l’associatif permet de redorer le blason social de personnes disqualifiées vis-à-vis de leurs proches, eu égard à leur niveau de formation ou à leur poste dans leur pays d’origine. En effet, en matière d’emploi et d’insertion professionnelle, le phénomène de déqualification des femmes migrantes et de dislocation des familles entraîne ainsi une dévalorisation et un gaspillage du capital humain.

Il apparaît que de nombreuses femmes immigrées sont confrontées à des difficultés de  reconnaissance de leurs qualifications professionnelles ou de leurs expériences  et occupent des postes mal payés et sous qualifiés.
Elles y sont généralement contraintes à des horaires atypiques dans les secteurs du nettoyage et de la restauration par exemple, et au travail en noir qui les prive d’une protection sociale correcte.
Elles travaillent dans des situations pénibles et restent confrontées à l’exploitation, à la violence et sont forcées d’accepter les pires conditions, proches de la survie. Ce phénomène est amplifié par l’apparition croissante de familles monoparentales. De nombreuses femmes immigrées qui se retrouvent seules avec leurs enfants sont confrontées à des situations particulièrement dramatiques.

Des femmes migrantes ont pourtant souvent acquis dans leur pays d’origine ou dans un autre pays étranger des compétences et des expériences utiles qui pourraient être optimisées ici en Belgique. Mais ces compétences sont dans la plupart des cas méconnues.

D’autres femmes migrantes ont suivi une formation et obtenu un diplôme ou un certificat. Toutes ces compétences acquises par ces femmes peuvent être d’une grande valeur pour la société belge.  Leur participation et leur épanouissement resteront un vain mot aussi longtemps que leurs talents et leurs capacités ne seront pas appréciés et exploités de façon optimale.
Le manque de structures de garde d’enfants adaptées à leurs besoins et abordables, le niveau de langue, le faible niveau d’éducation et le manque d’expérience professionnelle pour certaines,  les stéréotypes et attitudes négatives à l’égard de la femme migrante, les discriminations à l’embauche, le manque de capital social sont autant de freins à l’insertion socio-économique.

Afin d’augmenter les chances de ces femmes migrantes de s’intégrer et que la société puisse profiter de façon optimale de leurs qualités, de leurs capacités, il convient de s’attaquer aux problèmes spécifiques des femmes migrantes.

A ce propos, je souhaiterais poser différentes questions :

• Le Ministre envisage-t-il de favoriser les études portant sur le parcours migratoire des femmes et les raisons qui le motivent, sur leur situation familiale,  leur titre de séjour,  leur parcours éducatif et leur formation, leur parcours d’insertion, les conditions dans lesquelles elles vivent, les discriminations qu’elles subissent, les réseaux dans lesquelles elles s’inscrivent, les compétences qu’elles ont, leurs occupations ?
Ces données et ces informations sont, me semble-t-il, cruciales si l’on veut développer des actions pertinentes en faveur des femmes.

• Pour pouvoir s’intégrer efficacement et participer pleinement les femmes migrantes ont besoin entre autres de l’information. En effet, le monde appartient à celui qui maîtrise l’information. Souvent, cette information est déjà disponible mais les femmes migrantes ignorent comment l’obtenir. Le Ministre est-il favorable à la création d’un centre d’appui  ou l’information utile notamment pour les femmes migrantes serait centralisée et d’où elle pourrait être diffusée ?

• Quel est l’état de vos contacts avec les autres institutions bruxelloises (francophone et flamande) compétentes pour cette matière à Bruxelles ?

• En matière d’insertion professionnelle, est-il possible d’appliquer un système souple de reconnaissance de diplôme et d’appliquer la procédure de reconnaissances des compétences déjà acquises. Cela  permettrait d’optimiser l’utilisation des compétences des femmes migrantes, d’adapter la formation aux besoins réels et des capacités des femmes migrantes, de mettre les femmes en situation leur permettant de suivre une formation adaptée.



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