Logement pour les victimes de violences conjugales et intrafamiliales

Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale

Interpellation de Fatoumata Sidibé, députée FDF, à Christos Doulkeridis, Secrétaire d’Etat chargé du Logement – 15 novembre 2011
Concerne :  Etat des lieux de la question du logement pour les victimes de violences conjugales et intrafamiliales – L’interpellation est disponible ici

le compte-rendu est disponible page 10 ici

Monsieur le Secrétaire d’Etat,

La violence conjugale est un véritable fléau. En Belgique, les estimations établissent qu’une  femme sur huit est victime de violences conjugales. On constate également que le nombre de femmes identifiées comme victimes de violences conjugales est en augmentation. D’après une enquête récente réalisée auprès de 44 services affiliés à l’Association des Maisons d’accueil, en 2009, 49 % des femmes hébergées étaient victimes de violences conjugales, ce qui est assez interpellant.

Afin de lutter contre ce fléau, diverses mesures ont été prises par les pouvoirs publics qui sont de plus en plus conscients de cette problématique complexe et difficile, je pense notamment au plan d’action national sur les violences conjugales, à la mise en place d’une ligne d’écoute professionnelle ou encore à la création de structures d’accueil. En effet, pour les victimes de tels actes, il est essentiel de continuer à mobiliser toutes les énergies pour qu’elles puissent être entendues, accueillies, prises en charge par des services compétents, obtenir aide et une protection. Mais aussi, les aider à se reconstruire et à reformuler un projet de vie.
Aussi, j’aimerais revenir sur la question du logement qui est essentielle pour les femmes victimes de violences conjugales.

En effet, beaucoup d’entre elles sont amenées à devoir quitter leur domicile de toute urgence parfois accompagnées de leurs enfants, pour être généralement prise en charge par des structures d’accueil spécialisées. Non seulement, il y a une pénurie des places d’accueil mais de plus, ces structures n’offrent qu’une solution à court terme.  Dans la plupart des cas, elles doivent se débrouiller pour trouver rapidement un autre logement adapté à leurs besoins.
Or, il n’est plus à rappeler combien Bruxelles manque de logement de qualité à des prix abordables. Il est de plus en plus difficile d’obtenir un logement social, les listes d’attentes sont longues et le logement privé est bien souvent inabordable pour ces femmes victimes de violences conjugales bien souvent précarisées parce qu’elles ont dû tout quitter. Sans compter que de nombreux propriétaires sont réticents à les héberger pour des motifs liés aux revenus, à l’origine ou aux nombres d’enfants. De même, relevons que la loi fédérale qui permet aux victimes de violences de garder le logement familial est encore trop peu souvent appliquée et qu’elle ne constitue pas toujours la panacée (peur de représailles, souvenirs douloureux, etc.).

Ainsi, faute d’avoir pu trouver un logement, certaines femmes rejoignent le domicile familial tout en sachant qu’elles risquent de retomber dans l’enfer de la violence. D’autres encore aboutiront au Samu social. D’autre part, les femmes qui arrivent dans des maisons d’accueil pour des motifs non de violence conjugale mais de violence sociale, intrafamiliale, communautaire, administrative. D’où la nécessité de trouver des solutions face au manque de logements convenables.
On a déjà eu l’occasion d’aborder la crise du logement au sein du parlement.
Ainsi, lors d’une précédente interpellation sur le sujet, on a évoqué la problématique de l’accès au logement et de la nécessité de développer des alternatives, comme les logements de transit et des solutions à long terme en vue de reloger les victimes de violences conjugales. Diverses pistes avaient été initiées à cet égard.

Ainsi, vous aviez annoncé, dans le cadre de la prise en compte de la problématique des violences conjugales dans les mécanismes d’attribution des logements sociaux, que vous comptiez présenter un projet de modification de l’arrêté locatif qui intégrera, notamment dans les règles d’attribution des logements, des mesures en faveur des victimes de violences conjugales. Où en est ce projet qui devait être présenté avant les vacances parlementaires ? Quelles mesures seront prévues par l’arrêté ? Comment sera définie la victime de violences conjugales (dépôt plainte, coups et blessures et la violence psychologique…)? Et que se passera-t-il si la victime de violences se remet avec son époux ?

A cet égard, il faut savoir que 50 % des femmes qui quittent des structures d’hébergement retournent au domicile conjugal et ce pour diverses raisons comme l’espoir de changement, les promesses ou encore la prise de conscience de Monsieur.
Lors de rencontres menées récemment sur le thème des violences conjugales, certaines associations actives dans ce domaine avaient de nombreuses interrogations quant à l’instauration de points de priorité dans le cadre de l’attribution de logement social. Combien de points de priorité ? Elles estimaient que cela allait concentrer les problèmes dans les logements sociaux, sans compter les effets pervers qu’une telle mesure risque d’entraîner (faux cas de violences conjugales pour avoir un logement, etc.…). D’autre part, vu la pénurie de logements sociaux, même avec des points de priorités, elles risquent d’attendre longtemps avant d’avoir un logement. Avez-vous consulté le secteur à cet égard ?

Dans le même ordre d’idées, lorsqu’une personne réside dans une maison d’accueil, elle obtient un point de priorité en vue de l’obtention d’un logement social. On le sait,  l’hébergement en maison d’accueil est un hébergement temporaire. Bien souvent, les pensionnaires sont amenées à devoir quitter la maison d’accueil sans avoir pour autant d’autre solution de logement, compte tenu de la crise actuelle, en particulier à Bruxelles. Or, lorsqu’on quitte une maison d’accueil, on perd son point de priorité. Ce système ne devrait-il pas être revu ?

Par ailleurs, en vue d’améliorer l’offre de structures d’accueil spécialisées comme les maisons d’accueil ou encore les logements de transit, vous comptiez articuler l’aide régionale à ces structures d’accueil en proposant d’étendre le dispositif de l’ADIL aux usagers des maisons d’accueil et des logements de transit. Une évaluation budgétaire était envisagée afin que la Région ne se retrouve pas dans des situations ingérables. Cette évaluation a-t-elle été menée ? Quel impact budgétaire cette extension de l’ADIL aura –t-il ? Cette mesure est-elle envisageable financièrement? Quand sera-t-elle concrétisée ?
Où en est l’analyse des règlements d’attribution des logements communaux et des CPAS et en particulier concernant les logements de transit? Quelles formes de soutien sont prévues afin d’aider les communes et les CPAS en vue de les inciter à augmenter les logements d’urgence et de transit ?

Vous aviez également demandé à l’administration régionale de rédiger un rapport de synthèse sur les législations-cadres existantes en matière de logement de transit et leurs usages dans les deux autres Régions afin de tirer profit des régimes existants. Qu’en est-il de la rédaction de ce rapport ? Quelles sont les principales conclusions de celui-ci ? Disposez-vous d’une vue d’ensemble ? Quelles pistes intéressantes se dégagent en la matière pour Bruxelles ? Sur base de ces éléments, vous comptiez légiférer dans ce domaine sous cette législature, qu’en est-il ? Une initiative législative est-elle prévue prochainement concernant le secteur du logement de transit à Bruxelles ?

Enfin, vous souhaitiez mettre en place un groupe de travail « droit au logement » dans le cadre de la prochaine Conférence interministérielle social-santé. Ce groupe de travail devait se pencher sur des projets concrets développés sur le terrain par des opérateurs de la politique du logement, en partenariat avec des opérateurs des secteurs communautaires, afin de faire fructifier ces échanges et de créer les conditions positives de leur développement. En effet, le logement de transit est une matière qui se situe à la frontière de l’action sociale et de la politique du logement. Quelle est la composition de ce groupe de travail ? Quelles missions lui seront attribuées ? Quand se réunira-t-il ? Un agenda est-il prévu ?

Je vous remercie pour vos réponses.

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