L’aide aux associations actives en matière de soutien aux femmes en situation de mariages forcés

Parlement francophone
Interpellation à Mme Céline Frémault, ministre en charge des affaires sociales.
Concerne : L’aide aux associations actives en matière de soutien aux femmes en situation de mariages forcés -Le vendredi 9 juin 2017. La réponse est disponible ici.

Je reviens vers vous avec un sujet qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel j’ai déjà eu l’occasion de vous interroger. Afin de procéder au suivi de terrain des politiques menées j’ai récemment rencontré plusieurs associations membres du Réseau Mariage et Migration actif  dans la lutte contre le phénomène des Mariages forcés et les violences liées à l’honneur ainsi que dans la  protection et le suivi des victimes contraintes au mariage. Il me paraissait intéressant de faire un état des lieux actualisé de leurs vécus sur le terrain, leurs difficultés et leurs revendications. Le Réseau Mariage et Migration est  réseau de réflexion et d’action qui lutte contre toutes les formes de mariages – forcés, précoces, arrangés, coutumiers, thérapeutiques – pouvant priver des hommes et des femmes d’une liberté essentielle : celle de choisir leur partenaire. C’est surtout un réseau concret d’accueil, d’accompagnement, de protection et de suivi des victimes. Le Réseau  a cherché à recadrer ses activités ces dernières années afin de se recentrer sur leurs missions de base.
Ceci étant, bien évidemment, les associations m’ont relayé un certain nombre de difficultés que je souhaiterais vous soumettre afin que le gouvernement puisse s’en saisir et/ou continuer son action en cette matière, d’une manière adéquate et ciblée au regard des besoins réels.
Pour rappel, l’incrimination des mariages forcés figure bien dans notre code pénal dans la loi du 25 avril 2007 en vertu de laquelle « il n’y a pas de mariage non plus lorsque celui-ci est contracté sans le libre consentement des deux époux et que le consentement d’au moins un des époux a été donné sous la violence ou la menace ». La loi du 2 juin 2013 a augmenté les peines incriminant les mariages forcés et simulés, et a également créé une incrimination nouvelle pour la cohabitation légale forcée et simulée.

Malgré l’incrimination pénale consacrée, cette problématique reste souvent difficile à appréhender et doit l’être avec toute la prudence nécessaire en raison du danger de stigmatisation, notamment. En effet, le recours aux mariages forcés s’explique davantage par des données culturelles plutôt que par des caractéristiques raciales, ethniques ou religieuses spécifiques.

Il apparait très clairement que le secteur associatif prenant en charge les victimes de mariages forcés se trouve régulièrement confronté à des difficultés de plusieurs ordres que je me permets de vous détailler succinctement.

1. L’hébergement d’urgence

Les structures existantes sont bien souvent destinées de prime abord à un public de victimes de violences familiales et intrafamiliales. Outre la pénurie de places d’accueil, les conditions d’accès à ces établissements leurs sont dès lors régulièrement refusé ou au minimum sont tributaires de négociations ou arrangements amiables incertains qui ne font qu’augmenter l’état de stress des personnes en situation de détresse.

Vu la pénurie de place dans les structures d’accueil d’urgence à Bruxelles et pour des raisons de sécurité, les associations sont souvent contraintes à de longs déplacements dans toute la Wallonie pour espérer y trouver une place d’accueil temporaire. Il arrive qu’après une prise de rendez-vous, la maison d’accueil rechigne à héberger la victime pour plusieurs raisons :

  • soit par manque de place ;
  • soit ce que la maison d’accueil a peur des représailles quand elle se rend compte que la victime est en danger ;
  • soit parce que la victime n’a pas porté plainte ; ce à quoi les associations répondent qu’il n’y en pas et qu’il n’y en aura pas ;
  • soit parce qu’après l’entretien, la structure d’accueil se rend compte que la victime ne se sentira pas bien dans leur centre ;
  • soit parce le phénomène des mariages forcés est minimisé et mal connu.

Une piste que le réseau utilise est celui des auberges de jeunesse.

Il est d’ailleurs très interpellant voire inacceptable que l’une des solutions à ce manque de places d’hébergement d’urgence soit l’hébergement aux domiciles privés de personnes bénévoles dont des membres du Réseau.  La mise en lien avec la police est systématique.

Une demande du secteur est la création d’une structure d’accueil spécifique avec adresse secrète. Pour rappel, en octobre 2010, j’ai déposé une proposition de résolution visant à créer des structures d’accueil spécifiques pour l’accompagnement des victimes de mariages forcés, contraints ou subis. Elle avait été rejetée car jugée prématurée par rapport au tempo et à la résolution votée précédemment. Le Ministre Kir proposait de laisser le plan se poursuivre, d’avoir un moment d’évaluation et d’attendre que le secteur puisse se positionner à ce sujet.

2. L’information et le soutien de première ligne

 a) Ligne téléphonique

Une ligne téléphonique est effective depuis plusieurs années. Ce dont nous pouvons nous féliciter. Toutefois, la prise en charge des permanences n’est possible que grâce à  la coordination entre quelques associations membres du Réseau qui se partagent les plages horaires et si cela a permis l’élargissement de la plage horaire, cela rend impossible l’ouverture de la ligne les week-ends, ce qui serait pourtant une avancée considérable. Il semblerait d’ailleurs que le vendredi soit un jour où on note une augmentation des appels téléphoniques.

Cette ligne téléphonique mène à un accompagnement concret. Le travail des associations ne se limite pas aux victimes majeures. Il leur arrive également de suivre des mineures pour les préparer au départ de la famille jusqu’à ce qu’elles soient majeures. Le constat est que ces cas traités par l’aide à la jeunesse mènent à une médiation qui ne marche pas. Concernant les mineures, ce travail se fait toujours en collaboration avec la police.

b) Distribution automatique des informations dans les communes

L’on constate que beaucoup de jeunes femmes n’ont pas accès ou connaissance des structures susceptibles de les aider et accompagner. L’un des moyens évoqués serait de fournir ses informations dans les paquets d’informations fournis aux nouveaux inscrits dans les communes.

c) Publication d’un folder général d’informations

La première édition fascicule « Temps des vacances » date de plusieurs années maintenant. Les associations souhaiteraient vivement pourvoir actualiser celui-ci. Cependant les moyens financiers sont insuffisants et la réédition pourrait bien être compromise. Or, les vacances scolaires approchant, nous savons qu’il s’agit d’une période critique en termes de mariages forcée. Et les campagnes de prévention et de sensibilisation sont dès lors plus qu’essentielles.

3. Procédures de suivi et liaisons entre les associations du Réseau et les maisons d’accueil :

Les associations du Réseau ont également fait état des difficultés à obtenir des informations de suivi des jeunes femmes après leur placement en maisons d’accueil. Or, en termes de sécurité et de suivi, ces informations sont parfois capitales afin de continuer à protéger la jeune femme. En effet, et nous en revenons au caractère inadéquat de certaines structures d’accueil, certaines jeunes femmes ont été retrouvées par leur mari ou leur famille suite à des manquements dans la transmission d’informations entre les structures d’aides.

Madame la ministre, au vu des revendications précises du secteur, mes questions sont les suivantes :

  1. Une réflexion est-elle en cours concernant la création d’un lieu, sur le territoire bruxellois, d’une adresse tenue secrète destiné à l’hébergement d’urgence des victimes de mariages forcés ?
  2. En matière d’hébergement, avez-vous des exemples de bonnes pratiques dans d’autres pays européens ?
  3. Les conditions d’accueil dans les structures d’aides peuvent-elle moins contraignantes de sorte que l’absence de PV ne soit pas un obstacle ? En effet, on leur demande souvent de justifier du dépôt de plainte pour pouvoir être prise en charge. Or, dans cette problématique délicate des mariages forcés, cette exigence est fréquemment rédhibitoire pour les victimes qui sont en état de détresse, de peur et de fuite et qui ne souhaitent pas porter plainte contre leurs familles.
  4. Quelles sont vos propositions de solutions afin d’aider le Réseau à communiquer plus massivement et à leur donner les moyens d’étendre leur offre d’aide téléphonique ?
  5. Concernant les fascicules d’information, avez-vous connaissance de l’impact de campagnes d’information ? De nouvelles campagnes de sensibilisation à la problématique des mariages forcés sont-elles prévues dans les prochaines semaines ou mois ?
  6. La COCOF ne pourrait-elle pas jouer un rôle plus actif dans la centralisation des données de suivi afin de coordonner plus efficacement les actions des structures d’accueil qui prennent successivement en charge une même victime ?

 

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