Mutilations génitales: les députés bruxellois veulent intensifier la prévention et le dépistage

  • Jérôme Durant
    Ce mercredi, c’est la Journée mondiale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines. Hasard de calendrier, le parlement francophone bruxellois a voté hier, en commission et à l’unanimité, une résolution visant à intensifier la prévention et le dépistage des victimes d’excision. La mesure centrale que veut encourager ce texte à portée essentiellement symbolique, c’est la systématisation d’un examen gynécologique annuel pour les jeunes filles identifiées comme à risque. Il faut dire que, si la pratique est interdite et passible de poursuites pénales en Belgique depuis 2001, les statistiques sont alarmantes.

    Sur notre territoire, vivraient près de 18.000 femmes excisées, et près de 9000 petites filles qui courent le risque de l’être un jour. C’est quatre fois plus qu’il y a dix ans. Ce recensement, c’est au Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles (GAMS) qu’on le doit. L’explication à cette hausse se trouve dans le profil de la migration à destination de la Belgique. De plus en plus souvent, des femmes venues d’Egypte, d’Ethiopie, ou encore de Guinée : autant de pays où la pratique de l’excision est très courante. Dans l’énorme majorité des cas, l’excision a eu lieu dans le pays d’origine, avant l’arrivée en Belgique ou, plus souvent encore, lors de vacances.

    La période des vacances, c’est celle des couteaux

    « Si je prends l’exemple de la Guinée-Conakry, on est à 97% d’excision, pointe Fabienne Richard, directrice du GAMS. Donc une petite fille qui est née en Belgique, qui est intacte, qui repart l’été en vacances, pour nous, c’est inquiétant. » Face à cette réalité, les acteurs de terrain obtiennent parfois du parquet des interdictions de quitter le territoire belge. Mais, le plus souvent, l’impuissance est la règle.

    Et puis, il y a une autre facette au problème. En Europe, bien, que difficilement quantifiable, l’excision clandestine est une réalité . « La semaine dernière, il y eu une condamnation au Royaume-Uni pour excision, fait remarquer Fabienne Richard. J’ai moi-même eu des témoignages directs de jeunes filles qui ont pris l’Eurostar pour aller à Londres dans ce but-là. »

    Probablement que des choses se sont passées en Belgique

    A l’hôpital Saint-Pierre, le gynécologue Martin Caillet abonde dans ce sens. « En région parisienne, il y a eu de nombreux procès et condamnations, poursuit celui qui dirige le seul centre spécialisé dans les mutilations génitales féminines en Belgique francophone. Ce sont nos voisins tout proches. Alors on se dit qu’il y a des choses qui se sont probablement passées en Belgique. Mais pour l’instant, elles sont restées en-dessous du radar. »

    Dans les faits, chez nous, aucune condamnation n’est encore intervenue depuis l’instauration de la loi en 2001. C’est la raison pour laquelle la députée bruxelloise Fatoumata Sidibé (DéFI), à l’origine de la résolution, veut compléter l’arsenal législatif par un volet préventif. Son objectif : réunir les entités fédérées et les experts autour d’une table ronde, afin d’aboutir à un cadre commun dans lequel inscrire la systématisation, une fois par an, d’un examen des organes génitaux des 8600 petites filles jugées à risque en Belgique.

    « Sachant que leur fillette sera contrôlée tous les ans, résume l’élue amarante, les parents vont évidemment prendre la mesure du risque encouru. » A savoir jusqu’à sept ans de prison, que la mineure victime ait marqué ou non son accord.