Category: Mes cartes blanches

Réfléchissons à la manière de gérer l’islam chez nous en pensant au Mali…

Carte Blanche publiée  le 18 janvier 2013 dans l’édition électronique du Journal Le soir section opinions

Réfléchissons à la manière de gérer l’islam chez nous en pensant au Mali…
Il y a certains retours en arrière qui sonnent comme un glas.  Nous sommes dans une période de régression sexiste, misogyne, homophobe, raciste, xénophobe, antisémite, obscurantiste, intégriste, extrémiste. Je suis inquiète.
Inquiète de voir notre société fractionnée entre communautés repliées sur elles-mêmes. Inquiète d’une certaine classe politique qui s’est trouvée un nouveau prolétariat – les immigrés – et qui, au nom de la défense des opprimés, échange plus d’intégrisme pour croit-elle plus de paix sociale, sacrifie nos valeurs démocratiques sur l’autel de l’électoralisme et refuse de voir le masque extrême droitiste de l’intégrisme musulman. Read More

La liste Islam : un parti clérical, antidémocratique, totalitaire

Un communiqué de presse du RAPPEL (Réseau d’Action pour la Promotion d’un Etat Laïque)

La liste Islam : un parti clérical, antidémocratique, totalitaire

Le 3 décembre a vu l’installation des conseils communaux issus du scrutin du 14 octobre 2012. En région bruxelloise, cet événement a innové. Pour la première fois en Belgique siègent deux élus d’un parti islamiste. Et pour la première fois un parti a inscrit à son programme l’instauration de la loi religieuse – en l’occurrence la loi islamique, la charia – comme loi commune. Jadis, le vieux Parti catholique, pourtant inféodé à Rome, n’avait jamais envisagé de fondre le droit canon en droit belge. En promouvant sa loi religieuse comme source de droit pour tous les résidents d’un pays, même pour les fidèles d’une foi autre, même pour les agnostiques et les athées, le parti Islam révèle sa vraie nature : cléricale, antidémocratique, totalitaire.

On pourrait en rester là. Mais il convient d’approfondir. Les médias ont insisté à juste titre sur les sorties rétrogrades et provocatrices des leaders de ce parti : établir la charia, mais « en douceur (…) pour aboutir (…) tout naturellement à un Etat islamique en Belgique » (RTBF – 29.10.2012) car « pour l’instant, il y aurait trop de mains coupées (…) étant donné le nombre de délits » (La Capitale – 16.10.2012), rétablir la peine de mort, exiler les apostats de l’islam, organiser la ségrégation entre hommes et femmes dans les transports en commun, un régime d’impôts et d’allocations familiales différencié pour les musulmans, contraindre les pouvoirs publics à traiter exclusivement avec des banques islamiques,… sans omettre d’autoriser le port du hidjab par les fonctionnaires, en particulier les policières ainsi que les élèves dès l’âge de 12 ans, le port du niqab (voile intégral) en rue, servir des repas halal dans les cantines, etc. Sans oublier l’ostracisme envers les homosexuels, les agnostiques et les athées.

Influence perverse et front islamique

Toutefois l’aspect le plus pervers de la liste Islam est passé inaperçu. Il réside dans son programme social et son projet d’alliances stratégiques. En un document de 23 pages, Islam présente une liste détaillée de revendications sociales, en fait un pillage des programmes des partis démocratiques de centre-gauche comme de centre-droit. Du logement à la fiscalité communale, de l’enseignement à la jeunesse et aux sports, du commerce à la santé, cet écran de fumée dissimule la vraie nature du parti. Il lui confère un visage bonasse, au-delà des clivages partisans habituels. Il pourra abuser un électorat populaire déboussolé par un environnement urbain sinistre, un chômage massif, les humiliations, les ruptures identitaires, l’exclusion sociale et le racisme.

Quant aux alliances stratégiques, la liste Islam ébauche un front islamique bruxellois. Islam a répertorié tous les mandataires selon lui « d’origine musulmane » élus sur les listes démocratiques en Région de Bruxelles-Capitale. Peu importe qu’ils soient pratiquants ou non, agnostiques ou athées, ni surtout qu’ils se considèrent comme les mandataires de tous leurs concitoyens et cantonnent leurs convictions philosophiques à la sphère privée. Parti identitaire clérical, Islam leur assigne une nature musulmane inaliénable. Il relève que, sur 685 conseillers communaux, 141 sont « musulmans », parmi lesquels 27 échevins et un bourgmestre. Il insiste : avec « plus de 20% des élus », « si les 139 élus d’origine musulmane le veulent, avec les 2 élus ISLAM, nous serons la première force politique de la capitale » (www.islam2012.be). Fanfaronnade ? Voire. Des convergences inter partis peuvent se nouer de manière pragmatique, sur des dossiers ponctuels. Par ce biais, des liens d’influence peuvent s’établir, de manière informelle, entre élus et militants. Sans parler des pressions et des campagnes de diffamation visant les réfractaires, comme c’est déjà le cas depuis des années.

Imprégnation des esprits et banalisation en marche

Avec seulement trois candidats masculins présentés sur trois listes dans trois communes bruxelloises (des listes à candidats uniques pour contourner les règles de parité hommes/femmes ?), la liste Islam a cartonné à plus de 5.100 voix et 2 élus. Outre s’implanter dans la capitale, elle affiche ses ambitions en Wallonie, notamment à Liège et à Verviers. Elle pourrait y parvenir. Les réactions immédiates d’édiles locaux (« Un coup d’épée dans l’eau », « Un mouvement marginal », « Du grand n’importe quoi » – La Meuse – 05.11.2012) indiquent une certaine nervosité. Le parti Islam pourrait bien en effet capter des voix populaires. Mais de là à devenir une formation de pouvoir… Trop radical. Trop marqué sur un plan ethnique. Ses chefs savent pertinemment que jamais aucune majorité belge ne se dégagera en faveur de leur « régime islamique. » Le vrai et réel danger que représente Islam réside ailleurs. Il joue un rôle d’incubateur pernicieux. Ses idées vont percoler parmi les populations de tradition musulmane. A la manière dont le Vlaams Blok/Belang a imbibé la Flandre. Et peut-être, plus encore, à la manière dont le Front national de Jean-Marie Le Pen et ses éructations provocatrices (« Durafour crématoire », « Le détail de l’histoire », etc.) ont imprégné l’opinion française. Avec ses coups de gueule sur la charia, son programme populiste, ses ouvertures vers les autres partis et son activisme – il a mené campagne au porte à porte – le parti Islam pourrait induire « l’islamo-fascisation » de certains pans de l’opinion belge.

L’autre effet pervers du parti Islam concerne l’extrême droite historique. Le Vlaams Belang et les partis francophones équivalents possèdent désormais un épouvantail grandeur nature pour doper leur électorat. L’islamo-fascisme se charge de crédibiliser leur rhétorique xénophobe et leur démagogie anti musulmane. Comme quoi, les extrémismes antidémocratiques se renforcent mutuellement.

La banalisation du parti Islam, elle, est déjà en route. Au plus haut niveau. Pour Isabelle Praile, vice-présidente de l’Exécutif des Musulmans de Belgique « la plupart des gens qui ont voté pour ce parti (…) (y) voyaient un espoir de résoudre les nombreuses discriminations dont ils sont victimes, en tant que musulmans (…) une alternative aux partis traditionnels (…) le programme de ce parti soulève des questions d’ordre sociétal, l’approche globale est relativement cohérente. Cela ne me pose donc pas de souci (…) tant que l’on est pas dans un système où le religieux impose son fonctionnement, son agenda au pouvoir politique (…) Le musulman doit défendre le droit des musulmans mais il est hors de question d’imposer l’islam aux autres. A ce titre, j’invite les élus et les cadres de la société civile à interpeller M.Ahrouch et demander des précisions au sujet des propos qu’il a tenu » (DH.be – 09.11.2012). A quand, Madame Praile, un appel au dialogue avec Philip Dewinter, le leader néo-nazi du Vlaams Belang ?

Cordon sanitaire

Ainsi après le Vlaams Blok/Belang, après le Front national, ses avatars et clones multiples, le paysage politique belge voit-il apparaître un nouvel acteur d’extrême droite : la liste/le parti Islam. Comment le neutraliser ? Comment le combattre ? Par la même stratégie que celle déployée jusqu’ici contre les partis liberticides : le cordon sanitaire. Lui couper tout accès aux médias, ne jamais citer ses dirigeants ni leur offrir de tribune. Convaincre ses sympathisants et électeurs de la vanité de leurs suffrages. De ce point de vue, le démarrage présente quelques ratés. Effet d’exotisme sans doute, les médias ont ouvert grand les porte-voix à ses sinistres chefs. Mais il n’est point trop tard pour se ressaisir.

Notre interpellation s’adresse également aux partis démocratiques. Qu’ils cessent d’aligner des candidatures électorales affichant des signes religieux ostentatoires. Ce faisant, ils légitiment la cléricalisation de l’espace public et du champ politique. Ils banalisent un parti comme Islam. Ils favorisent sa stratégie d’influence religieuse globale. A ces revendications s’ajoutent celles, traditionnelles, sur l’interdiction légale des signes religieux dans tout le cursus scolaire obligatoire et pour les fonctionnaires, de la nourriture consacrée dans les cantines publiques, de la charia en droit personnel et familial, etc.

Enfin, dès lors qu’un parti milite pour islamiser la société, le port de foulards islamiques par les autorités d’un bureau de vote équivaut à y distribuer un tract politique. De même dans les assemblées élues. Il convient, comme le R.A.P.P.E.L. l’a déjà revendiqué, de mettre en œuvre des règlements / législations interdisant les signes convictionnels pour les assesseurs et présidents de bureaux de vote, ainsi que pour les membres des assemblées représentatives. A ce propos, à la prestation de serment, en 2009 au Parlement bruxellois, de la première parlementaire voilée d’Europe, les honteux applaudissements claquaient comme une gifle à ses collègues d’origine musulmane qui avaient, elles, la grandeur de considérer leurs convictions religieuses et philosophiques comme ressortissant de la sphère privée.

Philipp Bekaert

Yvan Biefnot

Chemsi Cheref-Khan

Elie Cogan

Gisèle De Meur

Nadia Geerts

Michèle Peyrat

Philippe Schwarzenberger

Fatoumata Sidibe

Jamila Si M’Hammed

Georges Verzin

Willy Wolsztajn

La prostitution, pour ou contre la légalisation ?

RECONNAISSANCE DE LA PROSTITUTION : ATTENTION TROTTOIR GLISSANT…

Mon introduction aux actes d’un colloque  « La prostitution, pour ou contre la légalisation ? » Editions Espace de Libertés – La Pensée et les Hommes, février 2004, en échos à la conférence sur le même thème organisée par le Centre régional du Libre Examen le 17 septembre 2002.

Aborder la question de la reconnaissance de la prostitution est une tâche délicate eu égard à la charge morale et éthique qui pèse sur cette problématique que certains appellent un « mal » nécessaire et que d’autres nomment un « bien » nécessaire.  Ce que l’on a toujours appelé à tort  « le plus vieux métier du monde » et qui fut au cours des siècles l’objet de condamnation et de persécutions pour osciller entre tolérance passive et système répressif est de nouveau sur la sellette. La question partage la scène européenne et divise les féministes : la prostitution est-elle une exploitation ou une profession ?

Les travailleuses du sexe sont-elles des victimes, des esclaves des temps modernes qu’il faut réinsérer ou des travailleuses à part entière qui ont droit à la protection sociale à laquelle peut prétendre n’importe quel travailleur ? La prostitution est-elle un travail comme un autre qu’il faut réguler et protéger ? Faut-il la légaliser, l’organiser, la contrôler ou l’interdire ?

La loi belge n’interdit pas de se prostituer. Elle punit tous ceux qui y contribuent, par exemple toute personne qui embauche une personne prostituée ou qui tient une maison close. Elle interdit également toute publicité pour les offres de service à caractère sexuel, le racolage, l’incitation à la débauche. Concrètement, la loi n’est guère appliquée. Marginalisée par la société, la personne prostituée reste néanmoins aux yeux du fisc,  une citoyenne qui paie ses impôts et ses taxes sans bénéficier de la protection sociale à laquelle peut prétendre n’importe quel travailleur.

En Belgique, les différentes propositions de lois déposées au Sénat ont suscité beaucoup de controverses et de débats. Plusieurs courants s’affrontent aujourd’hui.

Certains en appellent à la dignité humaine, à l’égalité entre hommes et femmes et au principe universel selon lequel le corps est inaliénable et ne peut, en aucun cas, faire l’objet d’une transaction financière. Ils affirment  qu’aucun Etat de Droit ne peut reconnaître, par une législation, la mise à disposition d’un groupe humain au service d’un autre, que la prostitution est une institution inégalitaire reposant essentiellement sur l’exploitation de femmes et d’enfants, que la distinction entre prostitution forcée et libre est simpliste parce que ne tenant pas compte du déterminisme du milieu (viols, incestes, antériorité d’abus sexuels, dépendances, détresse économique)  et des pressions (économiques, menaces, maltraitances, chantages.).

Considérant la personne prostituée comme une esclave des temps modernes, la proposition de loi de « pénalisation du client » s’inspire de la loi suédoise baptisée  » la paix des dames »  fondée sur le principe de l’égalité entre hommes et femmes qui sous-tend leur société. Cette proposition de loi entend pénaliser le client c’est-à-dire toute personne qui aura obtenu des relations sexuelles en échange d’un paiement. Basée sur une volonté de dissuasion, la loi sur la pénalisation du client vise à diminuer l’attrait financier du secteur en décourageant la demande, à contrer le proxénétisme et donc à renforcer la lutte contre la traite des êtres humains. Cette loi, qui considère la personne prostituée comme une victime, devrait s’accompagner de politiques d’aide, de soutien, d’efforts sociaux et fiscaux en matière de réinsertion. Faire de la prostitution un métier comme un autre ne reviendrait-il pas à légitimer le proxénétisme et à lui permettre de se déployer dans les meilleures conditions ? La réglementation du métier lèverait-elle la stigmatisation dont sont victimes les travailleuses du sexe ? Ne seront-elles pas nombreuses à préférer travailler dans l’anonymat plutôt que de se livrer au jugement moral de la société en acceptant de se déclarer comme indépendante ou employée ? Nombreuses sont celles qui considèrent ce métier comme transitoire. Le fait de les identifier à un moment de leur vie comme prostituées ne risquerait-il pas de porter préjudice à celles qui souhaitent arrêter ou qui ont arrêté ? Du point de vue droit social et fiscal, peut-on envisager la prostitution comme un travail salarié qui par définition répond à des règles bien précises ?

D’autres se référent au principe du droit de disposer librement de son corps. S’inspirant du modèle hollandais, ils entendent reconnaître la prostitution comme une profession à part entière assortie de droits et d’obligations car, si l’Etat fiscalise la prostitution, les prostituées n’ont guère la protection sociale à laquelle peut prétendre n’importe quel travailleur. La réglementation de la prostitution permettrait, à celles qui le souhaitent, de se prostituer dans de bonnes conditions et de concentrer les efforts de répression sur les réseaux qui organisent la traite des êtres humains. La prohibition quant à elle reléguerait le phénomène dans la clandestinité avec son corollaire de violence, de contrôles policiers, d’abus, de proxénétisme, de criminalité, de trafic, d’exploitation, de violence, de blanchiment d’argent.

Sans pour autant banaliser la prostitution et la reconnaître comme une profession à part entière, d’autres encore s’accordent qu’il faut améliorer leurs conditions de travail et préconisent une amélioration de l’application des lois existantes.

Alors que le débat s’enlise, certaines travailleuses du sexe refusent qu’on abolisse leur espace citoyen. Leurs voix s’élèvent pour demander que distinction soit faite entre prostitution forcée et volontaire. Elles réclament leur participation à un débat qui, partant du principe qu’elles sont des victimes, refuse leur liberté et leur libre arbitre, les infantilise parce que forcément manipulées et les prive justement de la parole que les féministes ont légitimement réclamée et obtenue au fil des décennies. Pire encore, elles s’estiment instrumentalisées pour servir la cause des féministes qui, niant leurs conditions de travail, se servent d’elles pour défendre leur cause et les accusent de faire régresser le combat féministe en ne recherchant que leur intérêt personnel et en ne manifestant aucune compassion ni empathie pour la situation de leurs consœurs oppressées par le système patriarcal et capitaliste. Si la prostitution est une violence des stigmates, des macs, des clients, ne serait-elle pas encore plus une violence du système qui, pour voler au secours de ces « victimes », ne propose parfois comme alternative que le report de cette responsabilité sur ces mêmes victimes de ces violences en les pourchassant où en leur déniant la même protection qu’aux citoyennes. Les travailleuses du sexe, celles qui se font l’écho de toutes celles qui ont « choisi » ce métier, ne veulent plus être sacrifiées sur l’autel de la morale, de la hantise sécuritaire, de la mondialisation, de la lutte contre la traite des êtres humains. Elles ne manquent pas d’argument : la réglementation du travail « politiquement correct » a-t-il pour autant empêché la traite des êtres humains d’alimenter le marché du travail en noir en main-d’œuvre exploitée et d’en retirer un substantiel revenu. Faut-il interdire la prostitution sous prétexte qu’elle est gangrenée par les réseaux mafieux ? En interdisant la prostitution et en pénalisant le client, ne risque-t-on pas justement de permettre le développement d’un réseau de traite souterrain qui échapperait encore d’avantage aux contrôles ? N’est-ce pas porter atteinte aux Droits de l’Homme que de refuser la liberté sexuelle entre deux adultes consentants ? Les féministes enfermées dans leur tour d’ivoire avec comme seule vue l’abolitionnisme ne refusent-elles pas la réalité du terrain où se côtoient certes celles qui sont à la merci d’un réseau de criminalité organisée mais aussi celles qui ont choisi librement le métier et qui se battent pour l’exercer en dépit de la stigmatisation et de l’absence de droits ? Que signifie la notion de choix ? L’ouvrier à la chaîne, la technicienne de surface auraient-ils choisi ce métier s’ils avaient eu d’autres choix ? Certes, ce système prostitutionnel est fondé sur le système capitaliste de l’offre et de la demande mais en supprimant la demande supprimerait-on du même coup l’offre ainsi que le phénomène de la traite des êtres humains ? La prostitution qui est visée n’est-elle pas celle qui a pignon sur rue et non celle de luxe nichée dans les lieux feutrés fréquentés par des clients plus présentables et distingués ou celle qui se déploie sur la toile des nouvelles technologies de la communication ? Faut-il confondre guerre contre la prostitution et guerre contre les prostituées ? Pourquoi les travailleuses du sexe ne seraient-elles pas à la fois féministes et citoyennes ? C’est que justement, le duel féministes-féministes fait rage. Pour les féministes réglementaristes, ce sont les conditions de travail qu’il faut revoir, pour les féministes abolitionnistes, c’est la nature du travail qui est remis en cause. Notons que l’abolition de l’esclavage n’a pas aboli un certain type de travail mais un certain type de relations de pouvoir qui constituaient une violation des Droits de l’Homme.

Face à celles affirmant que leur choix est « librement » consenti, les féministes abolitionnistes arguent que l’aliénation des dominées est savamment distillée. Et les personnes prostituées de rétorquer qu’en les infantilisant ainsi, on met en doute leur capacité de discernement. Un débat sans issue sur l’idéologie du choix.

Une question cependant : comment se fait-il que dans ces débats passionnels et passionnés, les seules voix qui s’élèvent sont celles de travailleuses du sexe affirmant haut et fort qu’elles sont libres de tous proxénètes et ont choisi librement de se prostituer alors que d’autres voix contradictoires n’arrivent guère à troubler la surdité de ce débat ? Sans doute parce que pour se protéger des proxénètes et sauver leur peau, le silence est la meilleure arme. A moins que la stigmatisation et la marginalisation ne leur aient enlevé la parole. Combien de victimes  » forcées » ont-elles cette liberté de dénoncer la machine judiciaire alors que le propre de la victime est d’être enfermée dans une logique de violence physique et psychologique qui lui entrave parfois toute idée de liberté, tout comme ces esclaves qui restent attachés à leurs maîtres quand même bien la liberté juridique leur a été accordée ?

Curieusement aussi, on aborde rarement la question de la prostitution masculine qui prend de plus en plus d’ampleur.  Le plus vieux métier du monde serait-il passé sous silence dès lors que ce sont les hommes qui le pratiquent ?  La prostitution masculine résisterait-elle aux analyses féministes ?

Certes, le phénomène de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle est une donne à la lumière de laquelle la problématique de la prostitution est couramment associée. On ne peut pas occulter le sort de centaines de milliers de femmes et d’enfants qui sont devenus des victimes de la traite parce qu’un jour ils ont décidé de quitter leur pays ou leur région pour chercher une meilleure vie « ailleurs » et qui, chaque année, se retrouvent ainsi forcés à se prostituer sous la menace, enfermés, menacés, battus, pris au piège d’un système d’esclavage contemporain qui les spolie de leurs droits les plus fondamentaux, de leur dignité, de leurs maigres ressources, de leurs illusions et les mets à la merci d’un réseau de criminalité organisé qui en retire des plantureux bénéfices et échappe bien souvent aux poursuites des autorités judiciaires. Le sort de ces « esclaves sexuels » ne doit pas être circonscrit dans le seul cadre d’une loi abolissant ou réglementant la prostitution.

Depuis des siècles, la prostitution est prise dans l’étau de trois systèmes : prohibition,  réglementation, abolition. Aujourd’hui, les normes sexuelles ont évolué vers de nouvelles normes identitaires : mariage hétérosexuel, pacs et  si ce n’est pas d’un coup de baguette magique que l’on résoudra la problématique multiséculaire de la prostitution, des solutions démocratiques doivent être trouvées. Les prises de positions des différents Etats ont certes  le mérite de favoriser une prise de conscience des différentes voies à explorer mais il est trop tôt pour évaluer la portée des réglementations en vigueur.

Entre la prévention, l’information, la sensibilisation, la réinsertion, la pénalisation du client et la réglementation, un juste milieu doit être trouvé. Et certains de proposer la solution d’un marché domestiqué par le droit social qui a eu pour mérite d’améliorer les conditions des travailleurs sans pour autant renverser le système capitaliste dont l’abolition ne serait d’ailleurs que pure utopie.

Et pour ce qui est de la « réinsertion » ou du « recyclage », quelles alternatives seront-elles proposées aux travailleuses du sexe qui disent se servir de leur corps pour gagner leur vie au même titre que les intellectuels se servent de leur cerveau, les techniciennes de surface de leurs mains, les cyclistes de leurs cuisses, qui n’ont pas rêvé enfant de faire ce métier difficile, qui doivent payer des impôts, sans bénéficier du droit à un arrêt de travail, au chômage, à la mutuelle, à la retraite et qui n’ont aucune perspective de réinsertion ? Voilà somme doute des questions concrètes qui doivent interpeller le législateur et les gouvernements.

Le débat doit donc se placer au-dessus de la morale qui se veut défenderesse d’une vie « bonne ». Ce qui est en jeu, c’est une société « juste » dans laquelle les droits et libertés en tant que citoyen(ne)s seraient respectés et qui assurerait accompagnement, aide et protection sociale à celles et ceux qui sont fragilisés sur le marché du travail.

Fatoumata SIDIBE Responsable de projets au Centre régional du Libre Examen, 2004

Haro sur les violences à l’encontre des femmes

Vous trouverez ci-dessous ma contribution à l’occasion du 25 novembre « Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes ».

LA FEUILLE DE FATOUMATA
25 novembre « Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes ».
Haro sur les violences à l’encontre des femmes

Des chiffres qui tuent.
Des chiffres qui s’égrènent et tombent dans la banalité.
Des chiffres qui font les colonnes des faits divers.
Des chiffres qui écrasent, comme des obus, l’autre moitié de l’humanité.
Des chiffres qui nous montrent régulièrement la barbarie sans nom perpétrée près de chez nous.
Un fléau qui n’épargne aucune partie du monde, aucune classe sociale, aucune culture, aucune religion.
Un éventail d’atrocités difficile à dresser tant l’inventivité en la matière est sans bornes.
Un mal qui menace les femmes dans leur vie même parce qu’elles sont femmes.
La violence envers les femmes, (puisqu’il faut l’appeler par son nom), première cause de mortalité dans le monde pour les femmes de 15 à 44 ans, déclare la guerre à une femme sur cinq.
Elles n’en meurent pas toutes mais toutes sont frappées par l’oppression du système patriarcal qui institue un rapport inégalitaire entre les femmes et les hommes. La proie est pourchassée et parfois mise à mort. Au nom de quoi ? Du sexisme, de la misogynie, des traditions, de l’honneur, des dérives religieuses.
Plus d’espoir, partant plus de joie.
L’histoire nous apprend qu’en de telles injustices, de nombreuses femmes payent de leur vie, pour défendre leurs droits. Ainsi, le 25 novembre 1960, en République dominicaine, les trois soeurs Mirabal, passèrent de vie à trépas, sauvagement assassinées sur les ordres du dictateur Rafael Trujillo. Depuis, les défenseurs des droits des femmes voient sans indulgence l’étendue de la pandémie et célèbrent une journée contre la violence sexiste. Le 17 décembre 1999, l’Assemblée générale de l’ONU a proclamé le 25 novembre « Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes ».
Une journée symbolique pour inviter gouvernements, organisations internationales et non gouvernementales à organiser des activités pour sensibiliser l’opinion au problème.
Une journée pour secouer haut et fort les consciences.
Une journée pour manifester et dénoncer le tsunami de violences qui s’abat sur les femmes, sans trêve ni répit.
Une journée pour se lever, pour clamer collectivement notre révolte et dire « ça suffit ! »
STOP ! Stop au nom de toutes les femmes discriminées, asservies, spoliées, humiliées, battues, opprimées, mariées de force, contraintes à la polygamie, mutilées, brûlées, enfermées, prostituées, exploitées, harcelées, insultées, séquestrées, vendues, violées, lapidées, vitriolées, assassinées, au quotidien, en temps de guerre comme en temps de paix, dans le secret du domicile, au travail comme dans les rues.
Pour dire, dans un concert de voix unanimes, que des millions de femmes vivent quotidiennement sous le régime de la terreur.
Pour dire que nous sommes toutes des victimes potentielles.
Pour dire que les femmes continuent de résister individuellement et collectivement, qu’elles ne veulent plus être mises à genoux. Qu’elles se lèvent, luttent, résistent, se libèrent, réclament leurs droits à l’intégrité physique et psychique, à la liberté, à la dignité, à la sécurité, à l’égalité, au respect de leur vie, de la vie.
Pour dénoncer la multiplication des atteintes aux droits des femmes par les fondamentalistes et extrémistes de toutes étiologies.
Pour dire assez de ce silence qui nous cantonne tous les jours dans la violence la plus extrême !
Pour dire que la violence sexiste tue mais le silence qui l’entoure tue aussi.
Pour dire assez d’abandons, de reculades, de belles promesses, de mesures ponctuelles.
Pour dire que les violences envers les femmes sont des guerres silencieuses qui détruisent des sociétés sur des générations entières.
Pour dire que la violence à l’égard des femmes n’est pas un problème des femmes mais des hommes, que c’est le rôle des hommes dans la violence qui doit être remis en question.
Pour dire que c’est vers les auteurs des violences que la stigmatisation doit être transférée et non sur les femmes victimes, que « la honte doit changer de camp ».
Qu’il est bon que les bourreaux s’accusent et que la société les accuse.
Que les coupables qui se livrent à de tels actes sont indignes et que quel que soit le mauvais diable les poussant, ils n’en ont aucun droit, puisqu’il faut parler net. Violenter une femme, quel crime abominable !
Qu’il faut que le coupable soit poursuivi, expie son forfait, soit pris en charge et soigné.
Qu’il faut que la justice soit accessible à toutes, soit plus cohérente et plus juste.
Pour dire que selon que l’on soit homme ou femme, les jugements ne vous rendront pas blanc ou noir.
Une journée pour rappeler que dénoncer ne suffit pas. Qu’il faut aussi travailler à changer les mentalités. Le combat pour l’égalité entre les filles et les garçons, contre les violences de genre doit commencer à l’école. Déconstruire des idées reçues, remettre en cause les stéréotypes sexistes et les discriminations, identifier les oppressions et les enfermements pour mieux les combattre, libérer la parole, éduquer, informer, généraliser les animations à la vie éducative, relationnelle, affective et sexuelle dans tous les établissements scolaires, aller partout où la société renforce les stéréotypes de genre, garantir l’accueil et la prise en charge efficace de toutes les victimes, la poursuite et la prise en charge efficace des auteurs, la formation et la sensibilisation des acteurs de première ligne : voilà le combat indispensable à mener !
Pour dire que la violence conjugale a un coût pour la collectivité, que des études démontrent qu’investir dans la prévention plutôt que dans le curatif et la répression permet de réduire les dépenses, qu’il faut allouer aux associations des moyens financiers et humains suffisants et pérennes permettant de développer un travail multidimensionnel et sur le long terme.
Une journée pour rappeler qu’il y a encore tant de défis à relever en matière d’accueil d’urgence, d’hébergement, de suivi post hébergement, d’accès au logement, d’insertion socioprofessionnelle, d’individualisation des droits, etc.
Une journée pour rappeler que nous devons mobiliser toutes les énergies pour que toutes les victimes, quel que soit leur statut légal, puissent être entendues, accueillies, prises en charge par des services compétents, protégées, aidées afin qu’elles puissent se reconstruire, reformuler un projet de vie et le mener à bien.
Une journée pour crier qu’il est temps de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes, une priorité nationale. C’est une question de santé publique.
En Belgique, des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années en matière d’écoute, d’accueil, d’aide, d’accompagnement psychologique et juridique mais cela n’est rien à côté du chemin qui reste à parcourir pour que nos soeurs, nos filles, nos mères, nos amies et nous-mêmes puissions vivre en sécurité, être respectées, reprendre confiance en nous et devenir pleinement actrices de nos vies. Parce que nous le valons bien !
Fatoumata Sidibé
Députée bruxelloise, Présidente de la commission Affaires sociales du Parlement francophone bruxellois, cofondatrice et ex-présidente du Comité belge Ni Putes Ni Soumises, auteure et artiste peintre.
www.fatoumatasidibe.be

Les assises de l’interculturalité ou la négation de l’universalisme laïque au profit du différentialisme culturel.

Prise de Position du Réseau d’Action pour la Promotion d’un Etat Laïque
Les assises de l’interculturalité ou la négation de l’universalisme laïque au profit du différentialisme culturel.

Sans surprise, les Assises de l’interculturalité viennent d’accoucher d’un volumineux rapport qui, en ce qui concerne la gestion de la diversité des convictions religieuses, privilégie clairement l’approche multiculturelle et différentialiste. D’entrée de jeu, il est ainsi précisé que les trois principes fondamentaux dans une société démocratique que sont l’égalité entre citoyens, la lutte contre le racisme et la xénophobie, et l’égalité de l’homme et de la femme, « ne sont effectivement pas absolus, ils coexistent avec d’autres principes, ce qui parfois entraîne la nécessité d’une mise en balance. ». Read More

Pour une remise en question de principe du financement public des cultes

Prise de Position du Réseau d’Action pour la Promotion d’un Etat Laïque  
Pour une remise en question de principe du financement public des cultes

Les récentes affaires qui ont entaché l’Eglise catholique ont suscité diverses réactions du monde politique. Le MR s’est déclaré, par la voix de Denis Ducarme, pour l’instauration d’un impôt philosophiquement « dédicacé ». Ecolo a quant à lui annoncé son intention de redéposer une proposition datant de 2001 réclamant un financement équitable et transparent des cultes [1] Pour le R.A.P.P.E.L., ces propositions sont insuffisantes, car elles ne mettent pas en question le principe même du financement public des cultes, incompatible avec le principe de laïcité de l’Etat dont nous réclamons l’inscription dans la Constitution belge et les textes légaux des entités fédérées. Un impôt « dédicacé », s’il permettrait certes une répartition plus juste du budget alloué aux cultes, ne changerait rien au principe selon lequel une part des contributions de chaque citoyen est dévolue au financement des cultes reconnus. Et il en va de même pour tout autre mécanisme se bornant à modifier la clé de répartition du budget des cultes. Ceci constitue une indéniable entorse à la laïcité de l’Etat, dès lors que : le principe de séparation des Eglises et de l’Etat implique nécessairement que ce dernier ne finance pas les cultes, sauf éventuellement pour ce qui est de l’entretien du patrimoine architectural de ceux-ci, considéré comme d’utilité publique. L’adhésion à un système de pensée se réclamant d’une religion ou de l’athéisme relève d’un choix éminemment privé, dont l’Etat n’a pas à assurer les frais. Qui plus est, si le financement public des cultes pouvait se justifier à une époque où ceux-ci remplissaient une fonction sociale incontestable, il n’en va plus de même aujourd’hui. Le financement public des cultes ne concerne que les cultes reconnus. Or, de plus en plus de nos concitoyens ne se reconnaissent ni dans une des religions reconnues, ni dans la laïcité organisée. En reconnaissant certains cultes et pas d’autres, l’Etat en privilégie certains, ce qui peut être considéré comme une forme de discrimination et est en contradiction avec le principe de laïcité que nous défendons. Le R.A.P.P.E.L. préconise une « mise à plat » du système actuel ( de reconnaissance et de financement des cultes et de la laïcité organisée) afin de répondre à la question fondamentale suivante : pourquoi un Etat devrait-il reconnaître des cultes ? Un Etat neutre ou laïque doit se borner à garantir la liberté de culte et à veiller à ce que les cultes ne s’immiscent pas dans l’espace institutionnel qui est le sien. Le R.A.P.P.E.L. estime en conséquence que l’activité cultuelle ne devrait pas être financée par la collectivité, mais uniquement, pour chaque culte ou communauté de pensée, par ses adeptes et en direct, sans aucune intervention de l’Etat. Ce qui n’exclut pas le financement public de certaines activités organisées par des associations religieuses ou non-confessionnelles, mais ayant un intérêt public avéré. Dans le même esprit et pour les mêmes raisons, le R.A.P.P.E.L. estime qu’il faut ouvrir le débat relatif aux cours dits « philosophiques ». Ceux-ci, qui constituent une part non négligeable du budget des cultes, contreviennent également au principe de laïcité : l’école officielle n’a pas à dispenser d’instruction religieuse – sur laquelle elle n’a d’ailleurs aucun moyen de contrôle -, mais à permettre à chaque élève de devenir un citoyen libre et responsable, doté des connaissances et des compétences lui permettant d’exercer son esprit critique. Une proposition similaire a d’ailleurs été émise dans le rapport de l’AWSA publié dans le cadre des assises de l’interculturalité : « Remplacer ou compléter les cours de religions par des cours d’histoire des religions et/ou de philosophie qui regrouperaient les élèves actuellement divisés par confession. » [2]. Et les pédagogues s’accordent par ailleurs à dénoncer comme une carence de notre système d’enseignement le fait que les élèves sortant du secondaire n’ont aucune connaissance en philosophie. Autant un cours commun à tous a sa place au sein de l’enseignement officiel, cours où seraient non seulement enseignés le fait religieux, mais aussi la démarche philosophique et la formation à la citoyenneté, autant la transmission du dogme n’y a pas sa place. Cette proposition a tout autant sa place dans l’enseignement libre subventionné, dès lors qu’il fonctionne grâce aux deniers publics. Pour le R.A.P.P.E.L, Philipp Bekaert Yvan Biefnot Farouk Boustami Dominique Celis Gisèle De Meur Pierre Efratas Sophie François Nadia Geerts Lara Herbinia Claude Javeau Michèle Peyrat Philippe Schwarzenberger Fatoumata Sidibe Jamila Si M’Hammed Sam Touzani Larissa Van Halst Georges Verzin Willy Wolsztajn notes: [1] http://web4.ecolo.be/?Les-ecologistes-demandent-depuis [2] « Religions et droits des femmes originaires du monde arabe »

Cours accéléré de laïcité à l’usage de l’Eglise catholique

Prise de position du Réseau d’Action pour la Promotion d’un Etat Laïque
Cours accéléré de laïcité à l’usage de l’Eglise catholique.
On connaît la formule de Victor Hugo « L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle ». Et il semblerait que l’Eglise catholique, tout en ferraillant par ailleurs durement pour lutter contre la séparation des Eglises et de l’Etat, ait eu à cœur d’appliquer la formule à la lettre – mais, comme on le verra plus loin, en en travestissant profondément l’esprit -, s’agissant des nombreuses affaires de pédophilie qui la secouent. La semaine dernière en effet, les évêques annonçaient la création d’un centre d’accueil pour les victimes d’abus sexuels au sein de l’Eglise. Un centre d’accueil qui aurait notamment pour mission de faire le tri entre les affaires prescrites et celles qui ne le seraient pas. Une manière de poursuivre par d’autres voies la politique menées jusqu’ici en la matière ? On sait en effet combien l’Eglise a toujours privilégié, dans ces affaires ô combien gênantes, la politique de l’entre-soi : on couvre l’affaire, on l’étouffe, éventuellement en achetant le silence des victimes ou en protégeant charitablement les coupables des affres de la justice des hommes. Rappelons que la commission Adriaenssens constituait déjà une tentative de privilégier la gestion interne des affaires d’abus sexuels au sein de l’Eglise, et que les perquisitions finalement effectuées au siège de cette commission avaient déclenché une levée de boucliers des autorités religieuses. Il était donc plus que temps que l’on rappelle à l’institution religieuse que cette séparation entre l’Eglise et l’Etat – qu’elle est par ailleurs si encline à décrier – ne signifie en aucun cas le droit pour l’Eglise de mettre en place une justice parallèle : qu’ils soient hommes de Dieu ou non, les coupables de crimes et délits ont à en rendre compte devant la justice des hommes, et toute entrave posée à cette dernière est elle-même coupable. Il est regrettable que cette mise au point ait dû être faite non seulement vis-à-vis des autorités ecclésiastiques, mais encore vis-à-vis du ministre de la Justice Stefaan De Clerck (CD&V) qui, après être resté longtemps étrangement silencieux face à des faits pourtant avérés, n’est sorti de son mutisme que lorsque celui-ci lui a été reproché, et encore pour déclarer souhaiter étudier les conditions d’une coopération entre le centre d’accueil des victimes et la justice. Les procureurs généraux ont clairement refusé toute collaboration avec ce centre, réaffirmant le primat de la justice dans le traitement des dossiers de pédophilie au sein de l’Eglise. Dans ce contexte, les dernières déclarations de Benoît XVI prennent tout leur sel : celui-ci a en effet profité d’un discours dans une maison de repos londonienne pour demander de « respecter la vie quels que soient l’âge ou les circonstances », martelant que « La vie est un don unique, à chaque stade, de la conception jusqu’à la mort naturelle, et c’est Dieu seul qui donne et qui reprend ». Plus grave, toujours au Royaume-Uni, il a lancé un appel aux « infidèles », comparant les incroyants aux nazis en déclarant, citant nommément Hitler, que « L’exclusion de Dieu de la religion et des vertus associées conduit à des choses terribles ». Il a poursuivi en affirmant que le respect des valeurs traditionnelles était menacé par « les formes agressives de la laïcité ». Manifestement, l’Eglise catholique a encore quelques difficultés à conceptualiser la notion de séparation des Eglises et de l’Etat. Le R.A.P.P.E.L. rappelle à cette occasion que la laïcité n’est rien d’autre que la séparation du droit et de la foi, les lois devant donc être les mêmes pour tous, quelles que soient les convictions particulières de chacun. Ce qui implique le refus de toute immixtion du religieux dans la sphère du droit. Dans cette perspective, le fait que l’Eglise organise une forme de justice interne ne constitue en rien une forme particulièrement aboutie de séparation, mais au contraire un inacceptable empiètement de l’autorité religieuse sur les compétences dévolues à l’Etat, et à lui seul, ce que la laïcité a précisément pour fonction d’empêcher. Un principe manifestement mal assimilé par l’Eglise catholique, aujourd’hui encore. Philipp Bekaert Yvan Biefnot Dominique Celis Elie Cogan Gisèle De Meur Sophie François Nadia Geerts Hugo Godoy Lara Herbinia André Nayer Philippe Schwarzenberger Michèle Peyrat Fatoumata Sidibé Jamila Si M’Hammed Georges Verzin Willy Wolsztajn

Des signes religieux dans les bureaux de vote ?

Prise de position du Réseau d’Action pour la Promotion d’un Etat Laïque
Des signes religieux dans les bureaux de vote ?
Carte blanche publiée dans La Libre Belgique, le 06/07/2010.

La séparation des Eglises et de l’Etat est l’un des fondamentaux de la démocratie moderne. Une séparation qui, en Belgique, reste bien mal assurée. Nous en avons eu un nouvel exemple lors des élections fédérales du 13 juin dernier, où des signes religieux étaient présents dans l’enceinte même des bureaux de vote. Dans l’un de ceux-ci, un crucifix décorait les murs, que la présidente du bureau a en outre refusé d’ôter. Or, la présence de signes religieux dans un bureau de vote contribue de toute évidence à « confessionnaliser » un espace qui, étant dévolu à la chose politique, devrait être protégé de toute immixtion du religieux. Les tribunaux, les administrations publiques, les écoles officielles et les bureaux de vote sont des lieux symboliques au sein desquels il est impératif que nul signe religieux ne puisse donner l’impression que le jugement, le suffrage, le service à l’usager ou l’instruction se font sous le regard d’un dieu. La présence d’un crucifix contrevient à ce principe. Dans plusieurs bureaux de vote, à Bruxelles et à Liège, des assesseures, voire des présidentes de bureau, portaient en outre le voile islamique. Un voile qui, chez certaines, ne laissait voir que le visage, évoquant par là les tenues imposées aux femmes musulmanes dans certaines dictatures islamistes comme l’Iran. Et dans deux bureaux de vote, à Schaerbeek et à Saint-Josse, sur six membres du bureau, trois étaient des assesseures voilées. Dans un contexte où des partis confessionnels se présentent au suffrage de l’électeur, et où le port du voile peut être interprété aussi bien comme un signe religieux que comme un signe politique, l’affichage d’un tel symbole ne nous paraît pas souhaitable. De la part de citoyens assermentés, il nous semble nécessaire d’exiger, tant dans l’apparence que dans le service rendu aux électeurs, une stricte neutralité quant à l’expression des convictions politiques comme religieuses. Depuis 2004, année où le Ministre de l’intérieur de l’époque, Patrick Dewael, avait manifesté son intention d’interdire aux membres des bureaux de vote les « emblèmes de toute religion comme, à titre d’exemple, la croix chrétienne, la kippa juive ou le turban hindouiste », aucune disposition n’a été prise pour assurer la neutralité des bureaux de vote. Alors qu’en 2006, le ministre-président de la région bruxelloise, Charles Picqué, avait envoyé aux membres des bureaux de vote les instructions suivantes : « En vue de garantir la liberté de l’électeur dans son choix démocratique, la manifestation extérieure de toute forme d’expression politique, philosophique ou religieuse est interdite pour les membres des bureaux électoraux », il avait ensuite fait machine arrière, laissant la question du voile « à l’appréciation du Président du bureau ». D’une manière similaire à ce qui se passe sur le terrain scolaire, le politique s’est donc défaussé de sa responsabilité sur l’autorité locale (le président de bureau vs le chef d’établissement). Et aujourd’hui, il reviendrait donc à des présidentes de bureau elles-mêmes voilées d’évaluer si le port du voile par leurs assesseures blesserait ou non le principe de neutralité ! Nous estimons quant à nous qu’il est urgent d’adopter une disposition légale définissant les règles relatives à la neutralité dans les bureaux de vote, disposition fondée sur le refus de toute immixtion du religieux dans la sphère du politique à l’heure d’exercer nos choix citoyens. Pour le R.A.P.P.E.L. Philipp Bekaert Yvan Biefnot Farouk Boustami Elie Cogan Gisèle De Meur Sophie François Nadia Geerts Lara Herbinia André Nayer Michèle Peyrat Philippe Schwarzenberger Fatoumata Sidibe Jamila Si M’Hammed Georges Verzin Willy Wolsztajn

« Je déclare que le voile est le symbole d’un projet politique totalitaire »

CARTE BLANCHE
LE SOIR  mardi 23 mars 2010
lesoir.be

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« Je déclare que le voile est le symbole d’un projet politique totalitaire »

Moi, citoyenne belge de culture musulmane, originaire du Mali, un pays musulman à 90 % où la religion influence fortement les lois, règlements et différents aspects de la vie quotidienne, où certaines coutumes et traditions rétrogrades perpétuent les discriminations à l’égard des femmes, où plus de 80 % des filles sont victimes des mutilations génitales, où la polygamie est légale, où les mariages forcés sont imposés aux jeunes filles, où en matière d’héritage, les femmes sont frappées du sceau de l’inégalité, où, dès le plus jeune âge, on apprend aux petites filles que leur destin est de souffrir, de se résigner, de se soumettre, de se marier, de faire des enfants et de faire honneur à la famille,

Moi, qui suis issue d’un pays où l’intégrisme islamique gagne du terrain avec comme corollaire la prolifération du port du voile, où les avancées législatives en matière de droits des femmes se heurtent aux pressions des autorités musulmanes, au nom de la paix sociale, de l’unité nationale, de la préservation des valeurs sociales et religieuses maliennes qui confinent les femmes dans des statuts de citoyennes de seconde zone,

Moi qui, comme tant de consœurs, ai eu la chance de m’épanouir et me réaliser en Belgique dans un espace de liberté que les femmes ont conquis par de longues et âpres luttes,

Je déclare que l’immixtion du religieux dans l’espace public et le détricotage de la neutralité de l’Etat n’augurent rien de bon pour la démocratie et les droits des femmes.

Je déclare que l’émancipation n’est pas un luxe réservé aux femmes occidentales, que l’égalité hommes/femmes n’est pas négociable, ajustable, en fonction des demandes, revendications de revendications culturelles, religieuses ou supposées comme telles émanant d’individus, de communautés, de groupes.

Je déclare que de nombreuses femmes musulmanes dans le monde relient combat contre les intégrismes religieux et promotion de la laïcité. Elles savent que certains laxismes sonnent comme des glas pour elles qui luttent et risquent leur vie en Egypte, en Somalie, en Inde, en Iran, au Soudan, au Pakistan au Maroc, en Algérie, et ailleurs contre la polygamie, la lapidation, l’enfermement de leurs corps dans des linceuls ambulants, l’imposition du port du voile, la répudiation, l’excision, les crimes d’honneur.

Que dire à celles qui ont pris le chemin de l’exil et qui voient se reproduire sous leurs yeux un système de justice à la carte où, selon que vous soyez de telle ou telle confession, religion ou philosophie, les jugements de la cour vous rendent blancs ou noirs ?

Peut-on, au nom de la tolérance, du relativisme culturel, du multiculturalisme, de la liberté de religion, demander à certaines femmes vivant dans nos pays d’avoir moins de droits ?

Je déclare que le voile est le symbole de l’instrumentalisation des femmes au nom de la religion, d’un projet politique totalitaire qui sème la terreur dans certains pays, de la tentative d’asservissement, de mise sous tutelle de la femme, de la séparation des espaces féminins et masculins, une supercherie des fondamentalistes musulmans pour réaffirmer leur domination sur le corps des femmes et leurs libertés. Dans certains quartiers, les filles n’ont d’autre choix que de se voiler ou de faire attention à leur tenue vestimentaire pour ne pas subir les injures et le mépris de certains mâles auxquels on a appris que la vertu d’une femme est proportionnelle à la quantité de tissu qui la recouvre.

Je déclare qu’on atteint le summum de l’endoctrinement quand l’esclave intègre ses chaînes comme normales, lorsqu’elle ne peut plus penser autrement que par le prisme d’une société qui la convainc depuis la plus tendre enfance à travers les traditions, les cours de religion, les prêches que sa nature de femme la prédispose à occuper une position d’infériorité, de soumission. C’est cette même violence symbolique qui pousse les mères à infliger à leurs filles les violences comme le mariage forcé, les mutilations sexuelles génitales dont elles ont été elles-mêmes victimes.

Je déclare que toutes les femmes voilées ne sont pas soumises et que toutes les femmes qui ont les cheveux au vent ne sont pas libres et émancipées, mais que les filles et femmes, qui portent le voile par attachement culturel, conviction religieuse, ou parce qu’on leur interdit de le porter, n’enlèvent rien à la signification politique de ce voile sacralisé par les islamistes et imposé via un prosélytisme de procurateurs autoproclamés de Dieu. Celles qui avancent l’argument de « c’est mon choix » devraient avoir la décence et la « sororité » de reconnaître l’oppression de celles qui n’ont pas le choix.

Je déclare qu’en Europe, les offensives des islamistes contre les droits des femmes renforcent celles des partis conservateurs, de l’Eglise catholique, des lobbies religieux très puissamment implantés dans les nouveaux Etats membres et qui s’emploient à faire reculer les droits des femmes au sein de l’Union européenne. Leur mot d’ordre : revenir à l’ordre archaïque de hiérarchie patriarcale qui renvoie les femmes aux devoirs que leur dicte leur nature, à leurs sacro-saintes obligations terrestres dictées par les hommes assistés par Dieu le père, le fils et les Saints Esprits sexistes. Pas d’amen ! C’est là que la société doit intervenir au nom des droits humains !

Je déclare que les conquêtes féministes en Occident n’ont pas été arrêtées dans leur marche pour l’émancipation par la peur de stigmatiser les Eglises opposées aux droits et aux libertés des femmes. Pourquoi l’islam serait-il soustrait à cette remise en question ? Ce qui est bon pour une religion ne le serait donc pas pour une autre ?

Je déclare que la majorité des citoyens de culture musulmane vivent leur foi, quand ils en ont, en toute tranquillité, qu’ils n’en peuvent plus d’être essentialisés, considérés comme un groupe homogène dont chacun des membres partage la même façon de penser, de vivre, assignés à résidence dans « une communauté » par une minorité vagissante qui leur impose un terrorisme psychologique, parle en leur nom et qui bénéficie d’un surcroît de respectabilité de la part de certaines tribunes médiatiques et politiques.

Je déclare que le silence des intellectuels musulmans modérés est aussi assourdissant que la clameur des relativistes, des obscurantismes et d’une certaine classe politique qui se soucie plus de calculs électoralistes et d’enjeux de pouvoirs que de proposer un véritable projet démocratique de vivre ensemble.

Je déclare que la peur d’être qualifié de raciste a muselé bien des consciences, que nous sommes prêts à accepter l’intolérable par peur d’être taxés d’intolérance. Que d’abandons en reculades, nos valeurs démocratiques régressent.

Je déclare qu’il y a urgence à légiférer. A l’Etat de jouer son rôle de garant et de gardien des libertés fondamentales, où la liberté de croyance ou de non-croyance est garantie dans le respect des valeurs fondamentales grâce à un cadre juridique qui pose des balises. Je lance un appel aux progressistes de tous les partis, pour qu’ils unissent leurs voix pour ne pas reporter, dans les enceintes des parlements, les dix propositions déposées par le Mouvement Réformateur concernant le port de signes convictionnels – outre l’interdiction du port ostentatoire de signes d’appartenance dans les écoles relevant de la compétence du réseau officiel, les propositions déposées par le MR visent notamment à interdire aux parlementaires exerçant une fonction de représentation, personnes en charge de fonctions exécutives et prestataires de service public, préposés au guichet ou non, le port ostentatoire de signes convictionnels.

Faire de la politique, c’est faire des choix. Il est minuit moins cinq ! Il ne s’agit pas d’une offensive contre les religions. Il s’agit de remettre les religions à leur juste place c’est-à-dire dans la sphère privée, de faire le choix d’une société qui ne se fractionne pas en fonction des particularismes, mais qui s’unit sur des valeurs à vocation universelle.

Fatoumata Sidibé, députée bruxelloise FDF, ex-« Ni putes ni soumises »

Avant d’être élue, l’année dernière, sur la liste FDF, députée bruxelloise, Fatoumata Sidibé était présidente du comité belge de Ni putes ni soumises (NPNS), actif depuis 2006, dont la mission première consiste à « promouvoir l’égalité des droits entre les hommes et les femmes ». Belge d’origine malienne, 46 ans, licenciée en communication et romancière, elle combat depuis longtemps « l’obscurantisme, la loi du silence, la violence faite aux femmes, la misogynie… ». Sa mère l’avait surnommée « poudre de piment ». Avant Ni putes ni soumises, Fathy, comme elle est surnommée, avait travaillé dans une boîte de communication, au Centre du Librex – « elle a l’intelligence et l’autonomie qu’il faut, c’est une femme plurielle qui sait se battre pour ses idées », selon le directeur, Denis Stokkink –, pour Médecins du monde, pour les magazines Demain le monde et Défi Sud… La contraception dans les milieux musulmans conservateurs, les viols qui cachent leur nom, le sexisme à l’école ont toujours été des combats à mener pour Fathy Sidibé. En lançant NPNS, elle déclarait : « Le féminisme est mort, vive le féminisme ! » De l’excision au port du foulard forcé, de l’entrisme islamique sur les campus aux violences conjugales, « tout est à faire », insistait-elle, rappelant que « la tolérance tue autant que le fanatisme. On ne peut pas tout tolérer au nom de Dieu ou de la Tradition ».

« Je déclare que le voile est le symbole d’un projet politique totalitaire »

CARTE BLANCHE
LE SOIR  mardi 23 mars 2010
lesoir.be

« Je déclare que le voile est le symbole d’un projet politique totalitaire »

Moi, citoyenne belge de culture musulmane, originaire du Mali, un pays musulman à 90 % où la religion influence fortement les lois, règlements et différents aspects de la vie quotidienne, où certaines coutumes et traditions rétrogrades perpétuent les discriminations à l’égard des femmes, où plus de 80 % des filles sont victimes des mutilations génitales, où la polygamie est légale, où les mariages forcés sont imposés aux jeunes filles, où en matière d’héritage, les femmes sont frappées du sceau de l’inégalité, où, dès le plus jeune âge, on apprend aux petites filles que leur destin est de souffrir, de se résigner, de se soumettre, de se marier, de faire des enfants et de faire honneur à la famille,

Moi, qui suis issue d’un pays où l’intégrisme islamique gagne du terrain avec comme corollaire la prolifération du port du voile, où les avancées législatives en matière de droits des femmes se heurtent aux pressions des autorités musulmanes, au nom de la paix sociale, de l’unité nationale, de la préservation des valeurs sociales et religieuses maliennes qui confinent les femmes dans des statuts de citoyennes de seconde zone,

Moi qui, comme tant de consœurs, ai eu la chance de m’épanouir et me réaliser en Belgique dans un espace de liberté que les femmes ont conquis par de longues et âpres luttes,

Je déclare que l’immixtion du religieux dans l’espace public et le détricotage de la neutralité de l’Etat n’augurent rien de bon pour la démocratie et les droits des femmes.

Je déclare que l’émancipation n’est pas un luxe réservé aux femmes occidentales, que l’égalité hommes/femmes n’est pas négociable, ajustable, en fonction des demandes, revendications de revendications culturelles, religieuses ou supposées comme telles émanant d’individus, de communautés, de groupes.

Je déclare que de nombreuses femmes musulmanes dans le monde relient combat contre les intégrismes religieux et promotion de la laïcité. Elles savent que certains laxismes sonnent comme des glas pour elles qui luttent et risquent leur vie en Egypte, en Somalie, en Inde, en Iran, au Soudan, au Pakistan au Maroc, en Algérie, et ailleurs contre la polygamie, la lapidation, l’enfermement de leurs corps dans des linceuls ambulants, l’imposition du port du voile, la répudiation, l’excision, les crimes d’honneur.

Que dire à celles qui ont pris le chemin de l’exil et qui voient se reproduire sous leurs yeux un système de justice à la carte où, selon que vous soyez de telle ou telle confession, religion ou philosophie, les jugements de la cour vous rendent blancs ou noirs ?

Peut-on, au nom de la tolérance, du relativisme culturel, du multiculturalisme, de la liberté de religion, demander à certaines femmes vivant dans nos pays d’avoir moins de droits ?

Je déclare que le voile est le symbole de l’instrumentalisation des femmes au nom de la religion, d’un projet politique totalitaire qui sème la terreur dans certains pays, de la tentative d’asservissement, de mise sous tutelle de la femme, de la séparation des espaces féminins et masculins, une supercherie des fondamentalistes musulmans pour réaffirmer leur domination sur le corps des femmes et leurs libertés. Dans certains quartiers, les filles n’ont d’autre choix que de se voiler ou de faire attention à leur tenue vestimentaire pour ne pas subir les injures et le mépris de certains mâles auxquels on a appris que la vertu d’une femme est proportionnelle à la quantité de tissu qui la recouvre.

Je déclare qu’on atteint le summum de l’endoctrinement quand l’esclave intègre ses chaînes comme normales, lorsqu’elle ne peut plus penser autrement que par le prisme d’une société qui la convainc depuis la plus tendre enfance à travers les traditions, les cours de religion, les prêches que sa nature de femme la prédispose à occuper une position d’infériorité, de soumission. C’est cette même violence symbolique qui pousse les mères à infliger à leurs filles les violences comme le mariage forcé, les mutilations sexuelles génitales dont elles ont été elles-mêmes victimes.

Je déclare que toutes les femmes voilées ne sont pas soumises et que toutes les femmes qui ont les cheveux au vent ne sont pas libres et émancipées, mais que les filles et femmes, qui portent le voile par attachement culturel, conviction religieuse, ou parce qu’on leur interdit de le porter, n’enlèvent rien à la signification politique de ce voile sacralisé par les islamistes et imposé via un prosélytisme de procurateurs autoproclamés de Dieu. Celles qui avancent l’argument de « c’est mon choix » devraient avoir la décence et la « sororité » de reconnaître l’oppression de celles qui n’ont pas le choix.

Je déclare qu’en Europe, les offensives des islamistes contre les droits des femmes renforcent celles des partis conservateurs, de l’Eglise catholique, des lobbies religieux très puissamment implantés dans les nouveaux Etats membres et qui s’emploient à faire reculer les droits des femmes au sein de l’Union européenne. Leur mot d’ordre : revenir à l’ordre archaïque de hiérarchie patriarcale qui renvoie les femmes aux devoirs que leur dicte leur nature, à leurs sacro-saintes obligations terrestres dictées par les hommes assistés par Dieu le père, le fils et les Saints Esprits sexistes. Pas d’amen ! C’est là que la société doit intervenir au nom des droits humains !

Je déclare que les conquêtes féministes en Occident n’ont pas été arrêtées dans leur marche pour l’émancipation par la peur de stigmatiser les Eglises opposées aux droits et aux libertés des femmes. Pourquoi l’islam serait-il soustrait à cette remise en question ? Ce qui est bon pour une religion ne le serait donc pas pour une autre ?

Je déclare que la majorité des citoyens de culture musulmane vivent leur foi, quand ils en ont, en toute tranquillité, qu’ils n’en peuvent plus d’être essentialisés, considérés comme un groupe homogène dont chacun des membres partage la même façon de penser, de vivre, assignés à résidence dans « une communauté » par une minorité vagissante qui leur impose un terrorisme psychologique, parle en leur nom et qui bénéficie d’un surcroît de respectabilité de la part de certaines tribunes médiatiques et politiques.

Je déclare que le silence des intellectuels musulmans modérés est aussi assourdissant que la clameur des relativistes, des obscurantismes et d’une certaine classe politique qui se soucie plus de calculs électoralistes et d’enjeux de pouvoirs que de proposer un véritable projet démocratique de vivre ensemble.

Je déclare que la peur d’être qualifié de raciste a muselé bien des consciences, que nous sommes prêts à accepter l’intolérable par peur d’être taxés d’intolérance. Que d’abandons en reculades, nos valeurs démocratiques régressent.

Je déclare qu’il y a urgence à légiférer. A l’Etat de jouer son rôle de garant et de gardien des libertés fondamentales, où la liberté de croyance ou de non-croyance est garantie dans le respect des valeurs fondamentales grâce à un cadre juridique qui pose des balises. Je lance un appel aux progressistes de tous les partis, pour qu’ils unissent leurs voix pour ne pas reporter, dans les enceintes des parlements, les dix propositions déposées par le Mouvement Réformateur concernant le port de signes convictionnels – outre l’interdiction du port ostentatoire de signes d’appartenance dans les écoles relevant de la compétence du réseau officiel, les propositions déposées par le MR visent notamment à interdire aux parlementaires exerçant une fonction de représentation, personnes en charge de fonctions exécutives et prestataires de service public, préposés au guichet ou non, le port ostentatoire de signes convictionnels.

Faire de la politique, c’est faire des choix. Il est minuit moins cinq ! Il ne s’agit pas d’une offensive contre les religions. Il s’agit de remettre les religions à leur juste place c’est-à-dire dans la sphère privée, de faire le choix d’une société qui ne se fractionne pas en fonction des particularismes, mais qui s’unit sur des valeurs à vocation universelle.

Fatoumata Sidibé, députée bruxelloise FDF, ex-« Ni putes ni soumises »

Avant d’être élue, l’année dernière, sur la liste FDF, députée bruxelloise, Fatoumata Sidibé était présidente du comité belge de Ni putes ni soumises (NPNS), actif depuis 2006, dont la mission première consiste à « promouvoir l’égalité des droits entre les hommes et les femmes ». Belge d’origine malienne, 46 ans, licenciée en communication et romancière, elle combat depuis longtemps « l’obscurantisme, la loi du silence, la violence faite aux femmes, la misogynie… ». Sa mère l’avait surnommée « poudre de piment ». Avant Ni putes ni soumises, Fathy, comme elle est surnommée, avait travaillé dans une boîte de communication, au Centre du Librex – « elle a l’intelligence et l’autonomie qu’il faut, c’est une femme plurielle qui sait se battre pour ses idées », selon le directeur, Denis Stokkink –, pour Médecins du monde, pour les magazines Demain le monde et Défi Sud… La contraception dans les milieux musulmans conservateurs, les viols qui cachent leur nom, le sexisme à l’école ont toujours été des combats à mener pour Fathy Sidibé. En lançant NPNS, elle déclarait : « Le féminisme est mort, vive le féminisme ! » De l’excision au port du foulard forcé, de l’entrisme islamique sur les campus aux violences conjugales, « tout est à faire », insistait-elle, rappelant que « la tolérance tue autant que le fanatisme. On ne peut pas tout tolérer au nom de Dieu ou de la Tradition ».