Intervention de Fatoumata Sidibé lors de la séance plénière du vendredi 10 juillet sur la proposition de résolution sur la situation au Burundi et sur l’importance de l’implication des femmes dans les efforts de paix et de stabilisation. La résolution est disponible ici.

Au nom de mon groupe, les Fédéralistes démocrates francophones, je me réjouis de cette proposition de Résolution sur la situation au Burundi et sur l’importance de l’implication des femmes dans les efforts de paix et de stabilisation.

Le Parlement francophone bruxellois porte une attention au Burundi dans le cadre de ses compétences Internationales.

Ce mercredi 8 juillet, l’hémicycle du Parlement francophone bruxellois a accueilli le Collectif des femmes pour la paix et la démocratie au Burundi pour débattre sur le thème « quels rôles pour les femmes dans la résolution de la crise actuelle au Burundi ? ». Cette journée a rassemblé des membres de la diaspora burundaise ainsi que de nombreux citoyens et citoyennes d’origines plurielles.

Nous avons écouté et entendu les appels des femmes. Ce sont les femmes qui trinquent, en temps de guerre comme en temps de paix. Ce sont les femmes dont les corps sont transformés en champ de bataille durant les conflits et les guerres. Ce sont elles, femmes, épouses, mères et sœurs qui doivent survivre et assurer la survie des leurs.

Nous avons écouté et entendu les témoignages et les appels à l’action. Notre Parlement ne pouvait rester insensible à la situation actuelle au Burundi.

Mais ayons, ayons l’ambition de ce que nous voulons être et la modestie de ce que nous sommes. Une petite goutte. Mais chaque goutte compte lorsqu’il s’agit de défendre la démocratie et les droits humains.

La crise actuelle que traverse le Burundi, après une décennie de guerre civile est aussi celle de la démocratie. Il n’y a pas de démocratie sans alternance.

Je suis allée au Burundi du 23 au 30 juin 2010 pour une mission d’observation de l’élection présidentielle du 28 juin 2010 avec une délégation d’observateurs belges, appuyée par l’ambassade de Belgique et l’Awepa (association des parlementaires partenaires de l’Afrique).

Ce deuxième scrutin national depuis les accords d’Arusha en 2000 et la fin de la guerre civile, était de première importance. Cependant, les principaux partis d’opposition avaient décidé de boycotter les élections. Ils dénonçaient des fraudes et des irrégularités lors du premier scrutin du cycle électoral. Les partis d’opposition demandaient la révocation de l’instance de contrôle des élections (la commission électorale, nationale et indépendante CENI).

Dans ce contexte, le vote pour le seul Parti présidentiel n’a pas attiré la population dans les isoloirs. En juin, après le retrait de l’opposition, le président Pierre Nkurunziza était devenu l’unique candidat à sa succession, obtenant près de 92 % des voix !

Ces élections se déroulaient déjà dans le contexte d’une série de violents incidents, notamment des attaques à la grenade, des incendies volontaires, attaques et intimidations envers les partis de l’opposition, la société civile, les médias indépendants et des défenseurs des droits de l’Homme.

Je suis revenue avec le sentiment que nous laissions là une poudrière qui pouvait exploser. Et elle est en train d’exploser.

Depuis que le président Pierre Nkurunziza a annoncé fin avril 2015 qu’il briguerait un troisième mandat, le Burundi traverse une violente crise politique qui a déjà fait de nombreux morts et des milliers de déplacés.

Le Burundi, petit pays d’Afrique Centrale, un des pays les plus pauvres, après de longues années de guerre civile, se remettait sur la voie de la démocratie avec les accords d’Arusha.

À rebours de la constitution et de l’esprit des accords d’Arusha, le président Pierre Nkurunziza brigue un troisième mandat. À l’instar de certains dirigeants d’autres pays d’Afrique subsaharienne.

« Les populations de nombreux pays d’Afrique se sentent prises en otage par le pouvoir en place » alertait, mi-octobre 2014, un collectif de plus de 100 associations et syndicats, dont la plupart sont africains qui ont lancé, mi-octobre, un appel à tourner la page. Selon ce collectif, douze familles aujourd’hui au pouvoir en Afrique l’étaient déjà en 1990.

Il n’a pas de démocratie sans alternance politique. Les constitutions sont théoriquement les garantes de cette alternance. Malgré cela, des chefs d’État se maintiennent au pouvoir, durant plus de deux décennies, et ce en violation des principes démocratiques.

Partout dans le monde, les conflits et les guerres constituent un véritable désastre sur les droits humains en général et ceux des femmes en particulier : au Congo, au Mali, au Nigéria, au Burundi, etc. Ce sont les populations, et particulièrement les femmes et les enfants qui paient un lourd tribut aux conflits politiques, religieux et militaires.

La situation au Burundi est préoccupante, il ne faut pas sous-estimer les risques de contagion dans la région. Il faut tout faire pour que ce conflit reste politique et exorciser les démons ethniques dans la région des Grands Lacs.

Des résolutions ont été votées au Parlement européen, au Sénat de Belgique, à la Chambre des Représentants et récemment, le 27 mai 2015 au Parlement de la Fédération Wallonie Bruxelles.

Elles portent sur le retrait sans conditions de la candidature de Pierre Nkurunziza et le report des élections, la fin des violences, le strict respect des accords d’Arusha, l’organisation d’élections libres, apaisées, inclusives et transparentes, la cessation des pressions et arrestations arbitraires à l’égard de l’opposition, des journalistes, des défenseurs des droits humains, le soutien à la mise en place d’un gouvernement de transition qui intègre des femmes en son sein pour préparer les futures élections.

Si nous appelons de tous nos vœux le report des élections au Burundi, nous devons nous préparer à l’’éventualité que ce scénario risque de ne pas se produire. Ces élections risquent de se dérouler. Nous devrons continuer à être du côté du peuple burundais, quel que soit le scénario politique.

Comment notre modeste Parlement francophone bruxellois peut-il apporter sa petite pierre à la résolution de la crise burundaise et en particulier à l’implication des femmes dans les efforts de paix et de stabilisation.

Cette résolution, à l’instar de celles qui ont été votées dans d’autres assemblées parlementaires de notre pays porte sur le soutien à la tenue d’élections présidentielles libres et transparentes, le strict respect des accords d’Arusha, la cessation de toutes les violations des droits humains exercées à l’encontre de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes et toute atteinte à la liberté d’association. Elle demande une concertation entre les différents ministres belges compétents afin d’assurer une politique diplomatique cohérente et un message clair visant l’apaisement des tensions et la prévention du risque d’ethnicisation du conflit.

Comment notre modeste Parlement francophone bruxellois peut-il soutenir les actions des femmes et amplifier leur implication dans les efforts de paix et de stabilisation. Car elles ont un rôle crucial à jouer dans la résolution de la crise actuelle au Burundi.

La démocratie est un long processus. C’est donc maintenant qu’il faut planter les graines. La diaspora burundaise est mobilisée. Le Collectif de femmes pour la paix et la démocratie au Burundi a tiré un signal d’alarme. Début juin, il a lancé une carte blanche intitulée Burundi : les femmes, actrices d’une transition pacifique et d’un développement durable, que j’ai cosignée, que nous sommes nombreuses à avoir cosignée.

Nous pouvons préparer la présence de femmes dans les instances décisionnelles. Nous avons un rôle à jouer en concertation avec la diaspora et les réseaux de femmes en Belgique pour que les femmes puissent prendre leur place, jouer pleinement leur rôle dans la résolution du conflit, la prévention des violences et le processus de démocratisation du pays.

Nous demandons la mise en œuvre de la résolution 1325, du conseil de sécurité des Nations unies, adoptée le 31 octobre 2000. Cette résolution reconnaît que les conflits armés affectent de manière disproportionnée les femmes et les petites filles et souligne le rôle capital que les femmes ont à jouer dans la prévention, la gestion et le règlement des différends, ainsi que dans la reconstruction politique et socio-économique en période post-conflit.

Si les gouvernements et les principaux acteurs parviennent à faire tomber les murs qui empêchent les femmes de jouir pleinement de leurs droits sociaux, économiques et politiques, de participer à la prévention des conflits, aux négociations de paix et à la consolidation de la paix, alors l’avenir sera prometteur – non seulement pour les femmes mais pour tout le continent. Car les femmes portent l’Afrique sur leurs dos.

 

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