Année : 2018

Le Centre pluridisciplinaire de prise en charge des victimes de violences sexuelles

Intervention de Fatoumata Sidibé, à Didier Gosuin, Ministre de la santé concernant l’ouverture d’un centre pluridisciplinaire de prise en charge des victimes de violences sexuelles – 31 janvier 2018. La réponse est disponible ici.
Environ 8 viols sont enregistrés par jour en Belgique. Seules 16% portent plainte. 40% n’en ont jamais parlé.  Il est fondamental qu’une victime soit prise faite dans les heures suivant son agression et qu’elle bénéficie d’une prise en charge optimale couvrant la totalité de ses besoins médicaux.Il y a un peu plus d’un an, je vous interpellais, Monsieur le Ministre concernant la prise en charge par les hôpitaux des victimes de violences sexuelles.
Je relayais l’enquête “après viol” faite par Amnesty International qui avait fait ressortir plusieurs problématiques.

  • Les difficultés liées à l’examen médico-légal de la victime dans un hôpital, après le dépôt de la plainte
    L’enquête révélaitque 7 hôpitaux à Bruxelles étaient équipés pour pratiquer l’examen avec le Set d’Agression Sexuelle (SAS). A cela, s’ajoutait la formation inexistante ou insuffisante des gynécologues de garde pour l’utilisation efficace du SAS, l’absence d’intervention dans les hôpitaux bruxellois, d’un médecin légiste lors de la prise en charge médico-légale d’une victime de viol.
  • Certains hôpitaux n’avaient pas la traçabilité des victimes de violences sexuelles, et la moitié des patientes n’avaient pas bénéficiés d’une prise en charge de qualité.
  • L’absence d’homogénéité quant à la prise en charge médicale des victimes de violences sexuelles sur le territoire belge,
  • Le délai d’attente de plusieurs heures pour les victimes dans un service d’urgence.

Bref, le bilan de la prise en charge des victimes de violences sexuelles était vraiment alarmant.

Vous aviez annoncé que la secrétaire d’État pour l’Égalité des chances, avait annoncé la création prochaine de centres d’accueil pour les victimes d’agression sexuelle ; centres d’accueil liés à un hôpital et à différents services : (para-)médicaux, psychologiques, policiers et judiciaires.
Ce 30 janvier, les députés ont été conviés à la présentation du nouveau centre pluridisciplinaire dédié à la santé reproductive et aux violences sexuelles. Le 320 RUE HAUTE est adossé à l’hôpital Saint-Pierre reconnu à Bruxelles pour son expertise en matière d’accueil des victimes de violences sexuelles. Le CHU Saint-Pierre a été désigné pour accueillir le centre bruxellois de référence pluridisciplinaires permettant, dans un même lieu la collaboration des acteurs médicaux, psychosociaux, policiers, judiciaires. Il est ouvert 7 jours sur 7, 24h/24h.  Deux autres centres ont été ouverts à Gand et Liège.
AU CHU Saint-Pierre, le centre pluridisciplinaire est dédié à la santé reproductive et aux violences sexuelles. Il regroupe le centre de planning familial (City Planning) le centre médical dédié aux victimes d’excision (CeMAVIE) et le nouveau centre de prise en, charge des violences sexuelles (CPVS).  Le centre assure une prise en charge pluridisciplinaire qui permet d’éviter la stigmatisation ; il intègre différentes équipes au niveau médical, psychologique, avec une interaction avec la police selon les besoins et des conseils juridiques. C’est un centre unique qui répondait à un besoin. Il s’agit d’un centre extraordinaire, avec une équipe extraordinaire. Le centre accueille femmes, hommes et enfants.  Alors que, l’hôpital Saint-Pierre collectait recevait en moyenne une centaine de victimes majeures et mineures par an, depuis l’ouverture du centre en novembre, soit à peine trois mois, on compte 108 prises en charges dont 91 femmes, 16 hommes et un Trans.
Il existe enfin une prise en charge respectueuse et digne es victimes de violences sexuelles. Cela diminue aussi les conséquences de cet évènement traumatisant.
C’est un besoin mais une obligation. La Belgique a signé et ratifié la convention d’Istanbul qui exige la création de centres de références pour la prise en charge de victimes de violences sexuelles. Ce projet doit donc être pérennisé mais il y a des interrogations. L’équipe nous a fait part de ses inquiétudes car il s’agit d’un projet pilote qui sera évalué au bout de 6 mois. Monsieur le Ministre, quelles sont vos concertations avec le fédéral ? Des discussions ont-elles lieu concernant la pérennisation du projet ? La région a telle déjà été sollicitée pour une participer financièrement à la pérennisation du projet et sa duplication éventuelle dans d’autres zones de police.

 

Bilan de la lutte contre les mutilations génitales féminines

Parlement bruxellois
Question écrite de Mme Fatoumata SIDIBE, Députée bruxelloise DéFI, à Mme Bianca DEBAETS, Secrétaire d’Etat, chargée  de l’Egalité des Chances. La réponse est disponible ici.
Concerne : Bilan de la lutte contre les mutilations génitales féminines – La réponse est disponible ici.
Madame la Secrétaire d’Etat,
Un petit rappel des chiffres est toujours utile.
En Belgique en 2012, 13.112 femmes et filles sont très probablement excisées et 4.084 sont à risque de l’être. Ces chiffres ont doublé depuis 2008. Le phénomène est donc en nette augmentation. Cela est dû à l’arrivée de femmes originaires des pays où l’excision est traditionnellement répandue et à la naissance d’enfants dans ces communautés. Les femmes arrivées ici adultes déjà excisées et en âge de donner naissance sont donc une cible privilégiée.
De nouvelles populations immigrées, originaires de pays tels que la Guinée Conakry, la Somalie, le Soudan, l’Ethiopie, l’Egypte, la Côte d’Ivoire, la Sierra Leone, le Sénégal, le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie sont à considérer comme des pays « à risque » en ce que la pratique de l’excision est si ancrée dans les traditions culturelles qu’il est difficile d’imaginer qu’elle disparaisse en immigration, malgré les lois contraires du pays d’accueil. Les femmes immigrées issues ces pays doivent faire l’objet de notre plus grande attention tant en matière de prévention que d’information ou que de suivi médical.
Il faut donc intensifier la lutte. De nombreuses femmes ignorent encore que les MGF sont interdites en Belgique et que l’article 409 du code pénal belge punit de 3 à 5 ans de prison toute forme de mutilation des organes génitaux d’une femme. Il y a également de nombreuses femmes qui ne sont pas touchées par les associations existantes. Car ne les fréquentant pas.
La prévention et la protection des filles et des femmes victimes ou encourant des risques de mutilations génitales doivent donc continuer à être l’objet de toute notre vigilance et être renforcées. Les professionnels de première ligne, que sont par exemple les hôpitaux, l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE) ou le service de promotion de la santé à l’école (PSE), sont par définition au plus près du suivi des familles et de leurs proches. D’où l’importance toute particulière de la formation de ces professionnels. Le rôle de sensibilisation des membres de la diaspora et les échanges avec les pays d’origine tels qu’organisés en ce moment par le GAMS sont évidemment indispensables.
Depuis 2008, le GAMS a initié le Réseau des stratégies concertées de lutte contre les mutilations génitales féminines, avec l’appui méthodologique de l’Observatoire du sida et des sexualités.
Ce réseau d’intervenants issus de différents secteurs (ONE), secteur hospitalier, enseignement, communautés migrantes, aide à la jeunesse, centres de planning familial, etc.) a pour objectif de définir un cadre d’intervention commun pour lutter contre cette problématique et renforcer les synergies et les collaborations entre les acteurs et entre les secteurs.
On n’a aucune preuve qu’elle est pratiquée en Belgique mais nous ne sommes pas à l’abri d’excisions clandestines. On sait également que le risque d’un retour au pays plane toujours. Et que durant les vacances, des fillettes et même des bébés risquent excisés dans le pays d’origine, avec ou sans le consentement des parents. Ceux-ci doivent faire face à .de fortes pressions familiales. Par ailleurs, quand les enfants voyagent avec leurs parents, ceux-ci ont généralement besoin d’une autorisation parentale. Les pays à risque étant connus, on pourrait envisager que les autorités communales soient sensibilisées à ce risque et donnent de bonnes informations aux parents notamment que cette pratique est strictement interdite en Belgique et leur donner les contacts des associations. Il y a aussi le risque que l’excision soit pratiquée dans certains pays européens où les lois sont moins strictes…comme Londres par exemple. Si les suspicions sont plus fortes lors d’un voyage dans le pays d’origine, dans le cas de voyages en Europe, la méfiance est moins de mise.
Vu l’abaissement de l’âge de l’excision, les associations qui luttent contre les mutilations sexuelles féminines avaient demandé de procéder à un examen systématique des organes génitaux externes des enfants – plus particulièrement ceux des petites filles – lors des consultations des nourrissons de l’ONE, à l’instar de ce qui se passe en France et en Espagne. Un tel examen devrait être effectué aussi et chaque fois que les fillettes reviennent de l‘étranger. Cette proposition n’a pas abouti.
Au mois d’août 2017, par voie de presse, les associations ont prôné la médiation culturelle dans la lutte contre l’excision. Deux animatrices communautaires du GAMS ont été engagées à mi-temps grâce à des subsides de la ministre de la petite enfance de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elles sont présentes pour épauler l’ONE dans le cadre d’un projet pilote dans la Cité ardente. Et leur rôle est de sensibiliser les mères venant d’un pays « à risque ». La présence de ces animatrices communautaires dans les locaux de l’ONE permet de sensibiliser des jeunes femmes arrivées en Belgique dans le cadre d’un regroupement familial. Ces dernières ne connaissent pas la loi belge et risquent ainsi de retourner dans leur pays d’origine pour faire mutiler leur petite fille.
Jusqu’ici, le GAMS tentait de répondre aux demandes de l’ONE avec les moyens du bord. L’ONE comme lieu d’accroche est salué comme une victoire par l’association. Je sais que l’ONE relève de la fédération et n’est pas de votre compétence mais j’aurais aimé vous entendre là-dessus.
En matière de lutte contre les mutilations génitales féminines, les ministres en charge de la Santé à la COCOF, Mmes Cécile Jodogne et Fremault ont amorcé une étape importante avec la création, en partenariat, d’un réseau « social-santé » agréé pour une durée de 3 années.
On se réjouit de ce réseau piloté par l’association Intact en partenariat avec Le GAMS qui « a pour objectif de financer, sur le territoire bruxellois, une collaboration concertée et pluridisciplinaire approfondie, comme l’exige la Convention d’Istanbul afin de mieux prévenir les mutilations génitales qui peuvent être infligées aux fillettes et aux femmes, ainsi que de permettre une prise en charge adéquate des victimes en aval ».
Les subsides annuels respectivement alloués par les ministres Cécile Jodogne et Céline Fremault au GAMS et à Intact, qui constituent toutes deux des centres d’expertise éminemment reconnus dans le domaine, sont de 15.000 EUR, soit au total 30.000 EUR par année. Ce qui porte, sur une durée de 3 années, le montant des subsides structurels ainsi alloué à une somme totale de 90.000 EUR pour les activités du réseau créé entre elles. C’est très important car les associations souffrent d’un manque de financement structurel et ces nouveaux subsides vont venir renforcer ceux déjà versés de manière plus ponctuelle.
Madame la Secrétaire d’Etat, dans un article du 03 juin 2017, vous communiquiez sur le fait que les formations dispensées par ces associations, à votre demande, à l’ensemble des prestataires de soins, aux médecins et à la police avaient déjà touché un total de 230 personnes. Je m’étonne de ce chiffre car celui n’a pas évolué depuis ma dernière interpellation sur le sujet en mars 2016 à laquelle vous me répondiez déjà que 233 personnes avaient pu être sensibilisées à la lutte contre les mutilations génitales.
Dès lors, Madame la secrétaire d’État, mes questions sont les suivantes :
– Les formations ont-elles continué à être dispensées depuis mars 2016 ? Si oui, pouvez-vous me communiquer le nombre de formations dispensées et le(s) public(s) visé(s) par celles-ci ? Quelle est l’évaluation du projet ?
– Plus globalement, quel est l’état des lieux des projets menés par des associations partenaires telles que l’asbl GAMS et l’asbl INTACT ?
– Quel est l’état d’avancement de la concertation avec les autres entités dans le cadre du Plan d’action national de lutte contre toutes les formes de violences basées sur le genre ?
– La plateforme bruxelloise en matière de violences liées au genre se réunit-elle toujours et si oui, quels sont les moyens d’action qu’elle entend mettre en œuvre en matière de lutte contre les mutilations génitales ?
– En matière de lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF), nous sommes toujours confrontés à l’absence de directives officielles, nationales ou communautaires. Certains autres pays européens ont par exemple rendu un examen médical obligatoire avant et après des voyages en cas de risques d’excision, ou encore lors des visites médicales scolaires. La Belgique a-t-elle avancé sur cette proposition ?
– Avez-vous des chiffres à nous communiquer concernant les opérations de reconstitution des victimes de MGF par CeMAViE du CHU Saint-Pierre qui est chargée de l’accueil de victimes de MGF. Quid de la prise en charge psychologique ?
Je vous remercie pour vos réponses.