Prise en charge du VIH/sida et certaines croyances religieuses

Assemblée réunie de la Commission Communautaire Commune

Interpellation de Fatoumata SIDIBE, Député MR-FDF, à Benoît CEREXHE et Jean-Luc VANRAES, Ministres en charge de la Santé – 11 février 2010.
Concerne : La prise en charge du VIH/sida et certaines croyances  religieuses.
L’interpellation est disponible ici.

Le compte-rendu complet est disponible ici

En mai 2006, le Centre régional du Libre Examen et le Siréas (Service International de Recherche, d’Education et d’Action Sociale) organisaient – avec la collaboration du service des Maladies infectieuses CHU – St Pierre et du Centre Exil (Centre Psycho-médico-social pour personnes demandeuses d’asile) – un colloque sur le thème « Pratiques religieuses, pratiques de soins, diversités sexuelles dans le contexte de l’épidémie du VIH ». Tout au long de son déroulement, patients vivant avec le VIH, anthropologues, sociologues, philosophes, psychologues, leaders religieux, tradipraticiens, médecins et infirmiers spécialisés dans la prise en charge du VIH, pédopsychiatres, membres d’associations des communautés de base, travailleurs sociaux, avaient entamé un dialogue croisé afin d’éclairer les réalités auxquelles font face les personnes vivant avec le VIH/Sida, notamment celles issues de l’immigration.

Des constats particulièrement alarmants sur le terrain lors de la prise en charge du VIH/sida, ont été mis en exergue par les acteurs de la santé (médecins, travailleurs sociaux, associations).

En effet, les équipes ont été confrontées ces dernières années à la multiplication des situations de refus d’observance thérapeutique :

– Le refus des femmes enceintes de prendre un traitement anti-retroviral  (médicament par voie orale pendant la grossesse, perfusion pendant l’accouchement ou la césarienne)  pour éviter la transmission du virus au futur bébé ;
– Le refus de la mère ou des parents d’administrer le traitement préventif au nourrisson pendant la période recommandée durant les 6 premières semaines de vie ;
– Le refus de la mère ou des deux parents d’administrer ou de superviser l’administration du traitement antiviral à leur enfant séropositif ;
– Le refus exprimé aux soignants de poursuivre l’administration du traitement à l’enfant séropositif ;
– Le constat par les soignants de l’arrêt du suivi médical d’un enfant, qui ne vient plus en consultation. Il est apparu après enquête, que l’enfant ne fréquentait pas un autre service spécialisé du pays, et que dans certains cas, il était rapatrié dans le pays d’origine.

Pour certaines de ces situations, il s’est avéré que ni la persuasion, ni les entretiens individuels psychologiques, ni la résolution de situations sociales difficiles ou le travail multidisciplinaire n’ont abouti à la prise des traitements.

Cette difficulté de communication entre le personnel psycho médicosocial, la patiente et sa famille entraîne des situations difficiles. En effet, il a parfois fallu faire appel, dans certains  cas aux commissions éthiques hospitalières ou aux tribunaux de la jeunesse. C’est ainsi que des nourrissons auraient été momentanément retirés à leurs parents qui refusaient d’administrer des traitements. Des enfants plus âgés auraient été  placés en service résidentiel pour les mêmes raisons. Cette intervention juridique, outre qu’elle soit le signe d’un échec, pose des questions sociales car il est difficile d’imaginer un placement de l’enfant à long terme.

L’évaluation de ces situations a mené au constat qu’un obstacle récurrent à l’observance thérapeutique était l’affiliation de la famille à certains groupes de prière appartenant à la mouvance évangéliste.

La coexistence entre la prise en charge du VIH/sida et les croyances religieuses pose parfois de sérieux problèmes. Ainsi, des équipes de « prédicateurs volants », qui passent dans les hôpitaux où sont mis en contact avec les malades via les réseaux communautaires, avancent la possibilité de la « guérison miracle ». Ils disent que le Sida n’est pas dû à un virus mais à la sorcellerie, à une croyance en dieu défaillante. Ils imposent des contraintes très difficiles aux patients (jeune sec c’est-à-dire aucune alimentation pendant plusieurs jours, prières, sévices physiques). Pour certains, la maladie est attribuée à la sorcellerie et serait soi-disant guérissable par la prière. Ces pratiques, associées à des refus de traitements contrecarrent les dispositifs médicaux.

Je voudrais insister sur une lecture de la vulnérabilité de certaines populations migrantes dans le pays d’origine, la trajectoire migratoire et dans le pays d’accueil (en termes d’accès aux soins de santé, d’exposition au VIH, d’exploitation au travail, d’exploitation sexuelle, de précarité  financière, de problèmes de papiers, d’isolement).

Les migrants constituent une partie  des nouveaux cas d’infection au VIH diagnostiqués et pris en charge en Belgique. Parallèlement l’accès aux soins semble plus tardif pour cette population du fait notamment d’obstacles économiques, sociaux, culturels, religieux et juridiques. Cette vulnérabilité fait que certains vont se raccrocher à des groupements religieux.   L’annonce de la séropositivité entraîne l’isolement, la dépression la honte.

Dans de contexte, les groupements religieux constituent un véritable refuge et réconfort pour ces populations. Ce refus des traitements serait également associé à un refus de l’utilisation du préservatif lors des relations sexuelles. L’équipe spécialisée du Service des maladies infectieuses du CHU Saint-Pierre et le Centre EXIL, des Centres de Santé africains ont souligné l’étendue du problème, ayant eux-mêmes constaté que le refus de prises de traitements ne s’arrêtait pas au domaine du sida, mais touchait aussi la santé mentale.

J’aimerais dès lors interroger le Ministre sur cette situation et savoir :

– Si le ministre a connaissance de ces attitudes de refus de traitements ?
– Si oui, l’ampleur du phénomène est-il mesuré ?
– Quelles sont les réponses apportées actuellement à cette problématique ?
– Des contacts sont-ils en cours avec les hôpitaux, les centres de référence, les professionnels de la santé, les services sociaux d’ONGs ou d’ASBL travaillant avec les migrants ?

Je remercie le Ministre pour sa réponse.

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