Parlement francophone bruxellois
Interpellation de Fatoumata SIDIBE, députée FDF à Emir KIR, Ministre de l’Action sociale et de
la Famille – 8 novembre 2011.
Concerne : Prise en charge des personnes victimes de violences conjugales et intrafamiliales. – L’interpellation est disponible ici.
Le compte-rendu est disponible page 19 ici
Monsieur le Ministre,
La violence conjugale est un véritable fléau. En Belgique, les estimations établissent qu’une femme sur huit est victime de violences conjugales. On constate également que le nombre de femmes identifiées comme victimes de violences conjugales est en augmentation. D’après une enquête récente réalisée auprès de 44 services affiliés à l’Association des Maisons d’accueil, en 2009, 49 % des femmes hébergées étaient victimes de violences conjugales, ce qui est assez interpellant.
Afin de lutter contre ce fléau, diverses mesures ont été prises par les pouvoirs publics qui sont de plus en plus conscients de cette problématique complexe et difficile, je pense notamment au plan d’action national sur les violences conjugales, à la mise en place d’une ligne d’écoute professionnelle ou encore à la création de structures d’accueil. En effet, pour les victimes de tels actes, il est essentiel de continuer à mobiliser toutes les énergies pour qu’elles puissent être entendues, accueillies, prises en charge par des services compétents, obtenir aide et une protection. Mais aussi, les aider à se reconstruire et à reformuler un projet de vie.
Concernant la prise en charge des situations de violences conjugales et intrafamiliales, de nombreuses questions se posent et restent à approfondir. En 2009-2010, un groupe de travail « Violences conjugales et intrafamiliales » mis en place au sein de l’Association des Maisons d’accueil et des Services d’Aide aux Sans-abris » les a récemment mis en évidence : Comment gérer l’urgence en collaboration avec les partenaires du réseau ? Comment améliorer l’accompagnement des adultes victimes de violences conjugales et des enfants qui les accompagnent ? Comment préparer les « sortie » de la maison d’accueil : quelles solutions face au manque de logements convenables, à leur coût excessif, aux besoins des familles d’être accompagnées en post-hébergement ?
S’agissant de la problématique de l’accueil d’urgence, si tous les centres d’hébergement sont amenés à répondre à des demandes d’accueil des personnes victimes de violences conjugales, force est de constater que sur le terrain, la réalité est fort différente. En effet, il est difficile pour les maisons d’accueil, en particulier à Bruxelles, de faire face à ces situations d’urgence car les structures d’hébergement sont saturées, avec pour conséquences que les femmes sont envoyées soit en Wallonie soit, dans le pire des cas, au Samu social, ce qui peut conduire à des situations dramatiques.
Pourriez-vous me confirmer ces constats ? Comment mieux organiser la prise en charge des personnes qui se voient refuser une place dans une maison d’accueil, notamment en cas d’urgence, et particulièrement pour les femmes victimes de violences conjugales ? Comment trouver des solutions durables pour ces femmes ? Comment éviter que les femmes victimes de violences arrivent au Samu social ? On ne peut pas considérer ces femmes comme des sans domicile fixe ou des sans abris. De plus, ce centre d’hébergement de nuit n’est pas adapté pour ces femmes et il n’existe aucune prise en charge ou accompagnement prévu pendant la journée, alors qu’elles ont justement besoin d’être accueillies, entendues et sécurisées. Certaines femmes hébergées dans ce centre, et contraintes à errer la journée, font état de leur situation d’extrême vulnérabilité face à des hommes qui rôdant dans les environs, à la recherche de proies pour leur proposer des moyens de s’en sortir, notamment à travers la prostitution. Il n’est plus à rappeler l’importance du travail d’accompagnement dans ces moments difficiles.
Par ailleurs, il devient de plus en plus difficile de trouver des logements convenables pour les femmes victimes de violences conjugales et qui souhaitent se reloger après avoir quitté le domicile conjugal. Faute d’avoir pu trouver un logement, certaines femmes rejoignent le domicile familial tout en sachant qu’elles risquent de retomber dans l’enfer de la violence.
On a déjà eu l’occasion d’aborder la crise du logement au sein du parlement. Certes, des solutions ont été développées, comme des projets pilotes développés par certaines maisons d’accueil avec des AIS dans le cadre d’appartements supervisés ou de transit. Je souhaiterais obtenir plus d’informations et de précisions à cet égard ? Combien de maison d’accueil sont concernées ? Quels types de projets sont développés ? Quel est l’impact des ces projets au niveau budgétaire ? Disposez-vous d’une évaluation de ceux-ci ? Est-ce que d’autres projets de type post-hébergement seront soutenus prochainement ? Est-ce que les projets initiés seront tous consolidés ?
S’agissant de la sortie des maisons d’accueil, bien souvent, la transition est difficile pour les victimes de violences. C’est la raison pour laquelle, en pratique, le personnel des maisons d’accueil maintiennent souvent le lien avec les familles surtout dans l’année qui suit leur séjour (accès aux activités de loisirs, permanence d’accueil, suivi post-séjour pour enfants, etc..). Ainsi, force est de constater que de nombreuses maisons d’accueil effectuent un suivi post-hébergement sans pour autant disposer des moyens matériels et humains nécessaires à cet effet. Les maisons d’accueil insistent pour qu’on leur octroie un budget post-hébergement. Comptez-vous remédier à cette lacune ? Les maisons d’accueil souhaitent une meilleure reconnaissance de leur mission impliquées dans l’accueil et l’accompagnement des victimes et en particulier, s’agissant du suivi post-hébergement. Des solutions sont-elles envisagées à cet égard ?
On a déjà rappelé combien il est essentiel pour les victimes de tels actes de violences d’être accueillies et prises en charge par des services compétents afin d’obtenir une aide et une protection. D’où l’importance de la formation et de la sensibilisation du personnel d’accueil des services de première ligne tels que la police, les hôpitaux, le personnel des centres d’hébergement, les travailleurs sociaux, etc. Les acteurs de terrain sont d’ailleurs en attente de telles formations. L’année dernière, la Fédération des Maisons d’accueil a organisé des formations sur le thème des violences conjugales et familiales et auxquelles de nombreux travailleurs du secteur ont participé. Un subside spécifique avait été octroyé à l’AMA pour l’organiser. Malheureusement, les subsides n’ont plus suivi et il n’a pas été possible de l’organiser à nouveau en 2011 et ce malgré le succès remporté et la demande toujours croissante. Pour quelles raisons n’avez-vous pas soutenu ce travail de formation en 2011 alors que l’AMA souhaitait poursuivre ce projet ? Quelles mesures comptez-vous prendre afin de renforcer la formation des travailleurs aux violences conjugales ?
Enfin, d’après les constats du groupe de travail sur le thème des violences conjugales, les maisons d’accueil constatent un manque de structures pouvant soutenir et intervenir auprès des auteurs des actes de violences, conjoints et pères. Dans certaines maison d‘accueil à Bruxelles, il est possible de créer des rencontres au sein de la maison mais cela n’est pas toujours possible pour des raisons de local ou de règlement. En effet, dans certaines maisons d’accueil, il est parfois interdit aux femmes de recevoir le père de leur enfant au sein du centre. Est-ce des initiatives seront prises afin de favoriser d’avantage la création d’espace rencontre entre les familles victimes de violences conjugales et de permettre un travail avec les auteurs d’actes de violences ?
Je vous remercie pour vos réponses.