Réduction des risques liés à l’usage des drogues

Parlement francophone bruxellois

Intervention de Fatoumata Sidibé, présidente du groupe FDF dans le cadre de la séance plénière consacrée aux recommandations émises suite aux auditions sur la thématique de la réduction des risques liés à l’usage des drogues  – 19 juillet 2013.

Je voudrais tout d’abord   saluer la manière dont le travail en commissions a été réalisé, un travail constructif, collégial qui n’aurait pu être mené à bien sans la qualité des auditions.  Ces  auditions ont été menées  de 2011 à 2013 dans le cadre de la commission santé.

Nous le savons, une société sans drogues est une illusion.  La  consommation de drogues, quelles qu’elles soient, est susceptible de  présenter des risques pour la santé.

Quand la prévention et l’intervention précoces ont échoué, il faut se tourner vers la réduction des risques ; réduction des risques qui ne vise pas l’abstinence mais le bien être de l’usager qui doit être responsabilisé.  L’usager peut passer par l’abstinence ou par une gestion de la consommation.

La réduction des risques est à l’intersection de différents niveaux de compétences (fédéral, communautaires, régionales, locales) et de différentes matières (santé, social, éducation permanente, justice, intérieur, etc.).

La RdR n’est pas reconnue à part entière et financée comme telle. Ce manque de reconnaissance structurel est un handicap. En région bruxelloise, bien que la COCOF soutienne de nombreux projets de RdR,  celle-ci n’a pas une place en tant que telle dans les décrets ;  les missions étant le plus souvent attachées aux soins ; ce qui pose problème dans l’adaptation des spécificités de la RdR (aller dans les milieux de vie, travail basé sur l’anonymat…).

A côté du manque de reconnaissance de la RdR, les acteurs de terrain déplorent  le manque de concertation et de cohérence politique.  Pour ces acteurs, il est donc urgent de soutenir le Plan régional bruxellois de réduction des risques en espérant qu’il puisse aboutir à une réelle coordination des actions et dispositifs.

Consommer de l’alcool régulièrement peut aussi devenir une assuétude. Consommer dès le jeune âge de l’alcool a comme effet d’intoxiquer les jeunes et risque de rendre ceux-ci toxicomanes. L’alcool est une drogue.

L’alcool et le tabac sont légaux mais leur vente est soumise à condition. Pourtant, alors que la législation en vigueur est assez stricte, des jeunes entre  14 et 18 ans, arrivent à acheter les alcools souhaités. La consommation d’alcool chez les jeunes, et la vente d’alcool auprès de ceux-ci, est une réalité qui doit préoccuper les responsables politiques.

A un moment ou un autre, les  jeunes sont confrontés de près ou de loin aux drogues, qu’elles soient douces ou dures. Il faut qu’ils puissent avoir un espace où ils peuvent s’exprimer, où on peut leur parler de bien-être et de l’absence de bien-être.

La consommation de drogues est un problème de société. Elle peut aussi être liée à la précarité sociale.  Le secteur de la RDR doit développer davantage de liens avec le secteur social  et notamment les CPAS et les services sociaux où  sont reçus les usagers de drogues. Il y a aussi  les publics fortement fragilisés et difficilement accessibles par les services, à savoir les très jeunes injecteurs, parmi lesquels les mineurs, les publics qui n’ont pas de titres de séjour, les SDF.

Il s’agit là d’un travail de prévention en lien avec la précarité. Or, les professionnels manquent cruellement de temps.

La drogue constitue un véritable problème de santé publique qui doit être traité comme tel. En dehors des conséquences des assuétudes, il y a aussi les risques de contamination au HIV et à l’hépatite C. A cet égard, nous plaidons pour une politique de santé cohérente incluant tous les produits psycho actifs (alcool, tabac, cannabis, médicaments psycho actifs, autres drogues) ; une politique de santé coordonnée et menée en concertation entre les différentes entités politiques, le fédéral, les régions et les communautés.

Il s’agit donc de développer un dispositif d’ensemble, qui permette de mener une politique globale et intégrée, en vue à la fois d’agir efficacement sur l’offre et sur la demande de stupéfiants et de limiter les conséquences de la consommation de drogues sur le plan de la santé et de la sécurité publiques.

La politique de prévention continue de la toxicomanie et la limitation des dommages causés par celle-ci, implique une réelle responsabilisation des consommateurs ; une optimalisation de l’offre de soins et des traitements proposés aux toxicomanes, le développement de plans stratégiques concertés dans la perspective d’une politique globale et intégrée en matière de drogues.

La lutte contre les drogues n’est  pas la lutte contre les drogués.   La prévention tant à l’égard des non-usagers que des usagers est primordiale, le message étant adapté en fonction des publics visés. Cette politique de prévention et de réduction des risques ne peut réellement être efficace sans financements structurels.

Or, le secteur de la réduction des risques souffre d’un manque de moyens structurels et  d’un soutien politique insuffisant. Les acteurs de terrain rapportent que les équipes minimales du secteur assuétudes sont insuffisantes et les services agréés COCOF sans financement alternatif sont en général dans des situations très difficiles.

Qu’elles soient ou non réglementées, les actions de réduction des risques sont régulièrement confrontées aux ingérences du monde judiciaire et policier.

Elles se déploient dès lors dans un environnement qui les fragilise et de ce fait rend plus difficile les actions en faveur de la population visée par ces actions.  Par ailleurs, les acteurs de terrain déplorent une  faible coordination entre les différentes instances. Cette vulnérabilité est en grande partie liée à la stigmatisation de ces publics ; un public qui subit  la violence institutionnelle.

L’illégalité dans laquelle se retrouvent certaines personnes qui consomment des substances illégales ne permet pas, aux professionnels de la prévention ou de l’assistance en matière de réduction des risques liés à l’usage des drogues,  de toucher ce public. La criminalisation a pour conséquence d’augmenter la marginalisation et la stigmatisation. Il y a donc tout un travail à faire pour modifier les représentations sociales.

A cela, s’ajoute des difficultés pour déployer davantage certaines actions comme les salles d’accompagnement à l’injection, le testing pour l’ensemble des consommateurs et pas seulement en milieu festif afin de pouvoir  prendre les mesures adaptées à la dangerosité des drogues de synthèse analysées, la réduction des risques liés au dopage, les traitements de substitution, l’échange de seringues, un vrai plan de RdR en prison.

Ces actions ne peuvent être menées qu’à condition que soit mis en place un plan large de RdR  transversal, et soutenu par l’ensemble des acteurs et des politiques. Une approche intégrée et globale où les différents secteurs de compétences collaborent étroitement.

Mieux vaut prévenir que guérir, mieux vaut guérir que punir.

En termes de prévention,

–    de fixer des objectifs réalistes en matière de prévention : la réduction de la consommation de toutes drogues, la réduction des risques et la gestion responsable des modes de consommation.

–    De développer une politique de prévention orientée spécifiquement vers la famille, le milieu scolaire et toutes les structures ouvertes à la jeunesse.

–    De développer,  à tous les niveaux, une éducation au bien-être.

–    Une attention particulière d’accorder aux jeunes afin d’éviter qu’ils entrent en contact avec des drogues légales et illégales à un âge de plus en plus jeune et afin de leur apprendre d’appréhender ces substances de façon responsable.


Mon interpellation portera sur les points suivants :


–    Concernant les usagers réguliers de drogues, soutenez-vous et comment les actions suivantes : produits de substitution, échange de seringues (dans les comptoirs par et via les bornes automatiques), le pill testing  pas seulement dans les lieux festifs, les chambres de shooting pour l’héroïne, les salles d’injection, les stands d’information dans les événements et manifestations publics ? Si non, pour quels motifs ?

–    Quelles actions menez-vous pour favoriser l’évolution des représentations sociales sur les usagers de drogues ?

–    Comment améliorer les coordinations entre les services spécialisés et non spécialisés, la cohérence des différents dispositifs et instances ?

–    Quelle est la politique de RdR mise en place en milieu carcéral ?

–    Quelles sont vos positions sur la prohibition, la criminalisation des usagers de drogues, la marginalisation et précarité qui y est liée ?

–    Quelles sont les pistes pour la reconnaissance structurelle de la RdR ?

–    Y a-t-il des  partenariats avec des usagers de drogues à tous les stades des stratégies d’interventions, depuis leur élaboration jusqu’à leur évaluation ?

–    Quelle est la politique de prévention orientée spécifiquement vers la famille, le milieu scolaire et toutes les structures ouvertes à la jeunesse ? Quelle intégration dans les animations EVRAS ?

–    Quelles sont les mesures prises dans le cadre de la prévention contre la toxicomanie liée à l’alcool, en particulier vis-à-vis des mineurs ?

–    Quelles pistes pour l’installation d’automates d’échanges de seringues,  le développement des dispositifs mobiles qui permettent d’aller à la rencontre des usagers les plus précarisés sur leurs lieux de vie et d’avoir une meilleure couverture géographique en région bruxelloise ?

–    Quelle évaluation des actions menées ?

–    Quelles sont les actions de RDR à mener auprès de publics fortement fragilisés et difficilement accessibles par les services, à savoir les très jeunes injecteurs, parmi lesquels les mineurs et les sans-papiers ?

–    Les éclaircies quant au  sous-financement structurel  du secteur assuétudes et services agréés COCOF ?

J’aimerais aussi avoir votre avis sur

–    L’harmonisation au niveau législatif, la reconnaissance de la mission de RdR dans le décret COCOF ;

–    Les incertitudes que la réforme de l’État fait peser quant à la pérennité des actions de réduction des risques actuellement financées par différentes entités.

–    Et enfin, parmi les nombreuses recommandations qui ont été émises suite aux auditions, quelles sont celles que vous pensez pouvoir mettre en œuvre rapidement ?





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