La lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales

Interpellation de Mme Fatoumata SIDIBE, Présidente du groupe FDF, à M. Rachid MADRANE, Ministre, chargé de la Formation professionnelle, de la Culture, du Transport scolaire, de l’Action sociale, de la Famille, du Sport et des Relations internationales. La réponse est disponible ici.

Concerne :     la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales

Le 25 novembre est la « Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes ». Hélas, l’occasion de rappeler que la violence envers les femmes demeure la  première cause de mortalité dans le monde pour les femmes de 15 à 44 ans. Un fléau qui n’épargne aucune partie du monde, aucune classe sociale, aucune culture, aucune religion.

Un éventail d’atrocités difficiles à dresser tant l’inventivité en la matière est sans limite.

Le mercredi 23 octobre, dans le journal De Standaard et relayé par Le quotidien du Soir, nous apprenions que les dénonciations de violences conjugales (la violence physique, psychique, sexuelle et économique) aux forces de l’ordre étaient en diminution dans notre pays.

On apprend qu’en 2012, 20.263 déclarations de violence physique entre partenaires auraient été notifiées, soit une baisse de 8 % par rapport à 2011.

Alors que les statistiques affichaient jusqu’à l’an dernier des hausses constantes, un  recul est constaté

–    pour les faits de violence psychologique (19.530 faits, soit une baisse de 8 %),

–    de violence sexuelle (baisse de 8 %)

–    de  violence économique (baisse de 20 %).

On ne peu que se réjouir de ces chiffres en baisse ! On ne peut qu’avoir également beaucoup d’interrogations quant aux interprétations de cette  diminution.

Certes, différentes mesures ont été prises. En Belgique, il a fallu attendre  2001 pour que le premier « Plan d’action national contre la violence faite aux femmes » soit élaboré. Toutes les actions menées dans le cadre de la lutte contre la violence faite aux femmes étaient  enfin coordonnées et établies en concertation pour la première fois. Trois autres plans d’actions suivront et donneront  une définition des violences entre partenaires.  Le quatrième PAN 2010-2014 prévoit un champ d’action élargi à d’autres formes de violences : les mariages forcés, les violences liées à l’honneur et les mutilations génitales féminines.

La mise en place d’une ligne d’écoute professionnelle, la création de structures d’accueil, d’hébergement, d’accompagnement psychologique et juridique, les campagnes de sensibilisation, les formations de la police et des intervenants de première ligne, l’enregistrement de manière plus effective les plaintes,  le  travail mené sans relâche par les associations de terrain sont des mesures  concourent aux diminutions constatées actuellement.

Mais cela n’est rien à côté du chemin qui reste à parcourir pour que nos sœurs, nos filles, nos mères, nos amies et nous-mêmes puissions vivre en sécurité, être respectées, reprendre confiance en nous et devenir pleinement actrices de nos vies.

Revenons aux chiffres. 20.263 déclarations de violence physique entre partenaires enregistrées en 2012 ! C’est un chiffre qui fait peur. Et on sait que ce n’est pas encore le parfait reflet de la réalité puisqu’il s’agit de chiffres bruts basés sur le nombre de plaintes.

Mais combien se taisent ? Combien renoncent à porter plainte devant des services de police devant lesquels la victime se sent coupable ? Ceci-dit, les appels enregistrés par la ligne téléphonique violences conjugales recensait entre le 1er janvier et 21 décembre 2012, 4126 appels dont 2923 appels relatifs à la situation de violence conjugale. Ce chiffre est légèrement en augmentation par rapport à 2011.

Si l’on se réfère à une étude menée par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes en 2010, 64,8% des victimes féminines, contre 39,2% des victimes masculines mettent quelqu’un dans la confidence.

Et seuls 3,3% des victimes ont fait une déclaration à la police. Il n’y a donc pas de quoi se réjouir ! Au contraire, il faut retrousser les manches.

Les moyens financiers ne suffisent pas, la violence conjugale représente un coût pour la collectivité.  D’ailleurs, des études démontrent qu’investir dans la prévention plutôt que dans le curatif et la répression permet de réduire les dépenses.  Allouer aux associations des moyens financiers et humains suffisants et pérennes permettant de développer un travail multidimensionnel et sur le long terme est essentiel.

Ainsi, les constats sont interpellant  et les questions restent nombreuses :

–    les structures d’hébergement sont saturées, avec pour conséquences que les femmes sont envoyées soit en Wallonie soit, dans le pire des cas, au Samu social inadapté à ce public et où il n’existe aucune prise en charge ou accompagnement prévu pendant la journée, alors qu’elles ont justement besoin d’être accueillies, entendues et sécurisées. Augmenter les places d’accueil est une urgente nécessité. Même si on sait que cela ne résoudra pas tous les problèmes et qu’il faut travailler de manière transversale avec les autres ministres compétents sur la question de l’hébergement et du logement.

–    Face à la crise du logement, certaines femmes rejoignent le domicile familial tout en sachant qu’elles risquent de retomber dans l’enfer de la violence.

–    Concernant l’accompagnement de la sortie des maisons d’accueil, bien souvent, une  transition est difficile pour les victimes de violences,  deux maisons d’accueil L’Ilot et la Maison Rue Verte, effectuent un suivi post-hébergement et bénéficient de subsides. Si leurs moyens matériels et humains nécessaires à cet effet sont insuffisants, d’autres structures effectuent du suivi post-hébergement sans pour autant bénéficier de subventions. Des solutions sont-elles envisagées à cet égard

Quelles mesures comptez-vous prendre afin de renforcer la formation et la sensibilisation du personnel d’accueil de première ligne dans les hôpitaux, dans les antennes de polices mais également des travailleurs sociaux aux violences conjugales ?

–    Des initiatives seront-elles prises afin de favoriser davantage la création d’espaces rencontres entre les familles victimes de violences conjugales et de permettre un travail avec les auteurs d’actes de violences ?

–    Monsieur Emir KIR évoquait la mise en place d’une conférence interministérielle social-santé réunissant les Ministres compétents à la COCOF et à la COCOM et associant, en outre, la Région. Le groupe « Droit au logement »  a justement pour objectif d’établir le lien entre l’infrastructure proposée et l’accompagnement humain nécessaire aux victimes. Quelles sont les priorités qui ont été identifiées ? Un échéancier a-t-il été établi ?

–    Concernant  la réinsertion des personnes suivies en maison d’accueil,  en réponse à ma question écrite, vous indiquez notamment « qu’il n’existe pas de convention type entre le travailleur social et les personnes suivies dans leur projet de relogement ».  Quels sont éléments qui expliquent l’absence de convention ?

–    Il y a aussi les enfants dont on se rend compte aujourd’hui qu’ils sont non seulement des spectateurs, mais aussi des victimes. Qu’est ce qui est mis en place à ce niveau ?

–      Concernant le  bilan de ligne d’écoute, j’ai oui dire que l’association Cap Sciences Humaines va fermer ses portes pour cause de manque de soutien politique et financier. Cette association est chargée de faire de la recherche dans le domaine des discriminations et plus particulièrement les violences conjugales. Elle gère également de la ligne verte à disposition des victimes de violences conjugales.  Me confirmer vous cette fermeture prochaine ?   Si oui, pour quels motifs ?  Qui va prendre le relais ?


–    Concernant la ligne d’écoute SOS  les violences conjugales 0800 30 030, nous constatons que les intervenantes n’ont pas de spécialisation en violences conjugales mais suivent des formations en lien avec cette problématique. Le nombre d’inscrits est néanmoins limité. Comment comptez-vous pérenniser et améliorer l’accès à ces formations ?  Cette ligne est ouverte du lundi au samedi: de 9h à 20h. J’ai déjà eu l’occasion de le souligner, elle devrait être accessible 24h/24 car la violence conjugale ne connait pas de répit. Une réflexion est-elle menée dans ce sens ?


–    Concernant les mariages forcés, à la demande de la Vice-Première Ministre, Ministre de l’Intérieur et de l’Egalité des chances du gouvernement fédéral et de vous-même, une étude a été menée récemment sur le phénomène des mariages forcés en Région bruxelloise dans le cadre du Plan d’Action National de lutte contre la violence (PAN) entre partenaires et d’autres formes de violences intrafamiliales. Les résultats de cette étude sont interpellant. Les mariages forcés ne représenteraient même pas 1% des mariages bruxellois.  Cette étude, curieusement va à contrecourant des échos du monde associatif. Par ailleurs, tant qu’il n’y aura pas de ligne dédiée à cette problématique, il sera difficile de mesurer le phénomène.

•    S’agissant de la ligne téléphonique dédiée aux victimes de mariages forcés, il était prévu  de créer une ligne téléphonique spécifique dédiée aux jeunes victimes soumises à des pressions en vue d’un mariage forcé ou contraint. En réponse à une question écrite, vous m’indiquiez que la ligne téléphonique du Réseau mariage et Migration a été lancée le 3 juillet 2013 et est accessible le lundi de 10h à 14h et le mercredi de 14h à 18h. .Le numéro : 02/241.27.17. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’y a pas eu beaucoup de publicité autour de cette ligne téléphonique ! Dès lors, quels ont été les moyens mis en œuvre pour diffuser au mieux l’information par rapport à l’existence de cette nouvelle ligne téléphonique ? Quels ont été les budgets consacrés à la communication de cette information ?

–    Suite à l’étude relative aux mariages forcés dans la région bruxelloise, il est prévu d’organiser des formations aux officiers de l’Etat civil et aux acteurs de première ligne au niveau communal et de publier une brochure spécifique. Ces mesures seront-elles effectives pour ce mois de novembre comme prévu ?

–    Enfin, je sais que cela n’est pas de votre compétence mais je me fais l’écho de femmes migrantes confrontées aux violences conjugales dans le cadre du regroupement familial. Le groupe Esper, le réseau Épouses sang papiers en résistance ; un collectif ne cesse d’interpeller l’ensemble de la classe politique afin d’attirer l’attention sur la   triple violence qu’elles subissent : une violence conjugale ou intrafamiliale d’abord, à laquelle s’ajoutent des violences administrative et sociale, en conséquence de leur situation de séjour précaire. Elles subissent la violence de leur époux, de leur famille, mais également celle du système belge. Ce système les nie et les empêche de jouir de leurs droits, les confinant à une violence absolument inadmissible, à être séquestrées, battues. Ces femmes sont contraintes à devoir choisir entre continuer à subir les violences de leur famille ou perdre leur droit de séjour et se retrouver à la rue. C’est humainement insupportable. Je ne puis que vous exhorter à soutenir leurs revendications auprès de vos collègues à la région et au fédéral, notamment la facilitation des régularisations du séjour par le travail. Pendant qu’elles sont empêtrées dans des recours et situations administratives et sociales difficiles, beaucoup d’entres elles continuent malgré tout à travailler.

–    La lutte contre les violences conjugales ne sera pas gagnée sans un travail sur les mentalités. Cela commence dès le plus jeune âge. C’est pour cela que l’EVRAS (l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle) dans les établissements scolaires doit passer à la vitesse supérieure.

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