Renvoi des Services d’Aide aux Justiciables et des Espaces Rencontres à la Fédération Wallonie-Bruxelles

Interpellation de Mme Fatoumata SIDIBE, Députée bruxelloise FDF, à Monsieur Christos DOULKERIDIS, Ministre-Président de la Cocof

Concerne :    Renvoi des Services d’Aide aux Justiciables et des Espaces Rencontres à la Fédération Wallonie-Bruxelles – Le vendredi 21 mars 2014.   La réponse est disponible ici.

Dans le cadre de la 6e réforme de l’Etat, un transfert de compétences des Services d’Aides aux Justiciables et des Espaces Rencontres se fera de la Cocof vers la Fédération Wallonie-Bruxelles, le secteur s’en inquiète. Cette interpellation vise à en savoir davantage sur les conséquences de ce transfert pour les associations.
 
Comme vous le savez, dans le cadre de la 6e réforme de l’Etat, un transfert de compétences des Services d’Aides aux Justiciables et des Espaces Rencontres (ER) doit avoir lieu de la Commission communautaire française vers la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Pourtant, partant du constat que les questionnements au sein de ces secteurs sont nombreux et que la Fédération Wallonie-Bruxelles semble peu préparée à recevoir les compétences transférées, nous aimerions attirer votre attention sur les enjeux majeurs de ces éventuels renvois, ces secteurs jouant un rôle crucial pour notre société.

En effet, vous n’êtes pas sans savoir que les Services d’Aides aux Justiciables procurent le soutien social et psychologique indispensable aux prévenus, internés et condamnés libérés.
 Les ER, quant à eux, sollicités à 90% par des familles dans le cadre d’une décision judiciaire, offrent un accompagnement favorisant le maintien ou la reprise de contact entre un enfant et le parent avec lequel il ne vit pas. Ce parent peut être le père, la mère, les grands-parents et toute personne titulaire d’un droit aux relations personnelles. L’intervention de ces structures vise à mettre les parents face à leurs responsabilités et à les sortir de la logique de l’affrontement, permettant de la sorte à l’enfant de reprendre une relation constructive et structurante pour son devenir. Espace Rencontre Bruxelles répond donc à un véritable phénomène de société : la mutation du modèle familial fondé sur une union conjugale unique.

Un transfert de compétences de ces matières en FWB nous apparaît incohérent institutionnellement et risque de mettre à mal des structures pourtant indispensables. Le renvoi des Services d’Aides aux Justiciables et des Espaces Rencontres semble en effet très périlleux en termes de financement, d’emplois mais aussi du maintien de la qualité des services offerts à un public déjà fragilisé.

Si les emplois et le financement des services ne bénéficient plus (ou en partie seulement) de l’application des accords du non-marchand et des autres dispositifs décrétaux de l’ambulatoire bruxellois, la situation risque d’être problématique. A titre d’exemples :

• Concernant les salaires, le problème se pose au niveau de la prise en charge à 100% des salaires réels alors qu’en FWB, l’enveloppe est fermée et les universitaires ne sont financés qu’à 98,7%. La base des barèmes du secteur santé fédéral est en outre plus favorable que les barèmes FWB et la reconnaissance de l’ancienneté entière des travailleurs, quel que soit le secteur, est limitée à 8 ans à la FWB.

• Au niveau de la formation, des interrogations subsistent là encore. En effet, le financement de la formation continue des travailleurs à hauteur de 1% de la masse salariale est inexistant à la FWB.

• En termes de financement des équipes de base et des frais de fonctionnement, pour les Services d’Aide aux Détenus (SAD), en FWB, le calcul est effectué sur base du nombre théorique de places dans les établissements pénitentiaires de l’arrondissement judiciaire pour lequel le service est agréé. Ce mode de financement n’est pas transposable aux SAJ et ER. Par ailleurs, en Région wallonne, l’équipe de base des ER dépend du nombre de dossiers ouverts. Nous y voyons là un risque pour les services d’être tentés par la quantité plutôt que par la qualité.
 Quel est dès lors le mode de financement prévu ?

• Au niveau de l’approche du travail, les services bruxellois et wallons n’ont pas développé la même manière d’aborder les choses. Le regroupement des services risquent donc de poser des difficultés. En effet, à titre d’exemple, un suivi thérapeutique à long terme est envisageable par un Services d’Aides aux Justiciables bruxellois, ce qui est exclu par les services wallons. Ou encore, les ER bruxellois sont indépendants de la justice et ne travaillent jamais sous mandat, ce qui est pourtant le cas des ER wallons.
 Une autre inquiétude concerne le risque de voir disparaître la reconnaissance des missions spécifiques intégrées dans le décret ambulatoire et qui permet à deux SAJ (SOS viol et le Centre de prévention des violences conjugales et familiales) de s’adresser uniquement à des catégories spécifiques de victimes.
 Autre sujet de préoccupation, l’absence en FWB de Conseil consultatif permettant la concertation et où siègent les représentants des fédérations patronales, les représentants des travailleurs mais aussi des groupes d’usagers et des experts.
 Que se passera-t-il à partir du 1er juillet 2014 ? Est-il indiqué ou pas dans le texte proposé au Parlement de la Cocof, que la Cocof reste gestionnaire et compétente pour les services tant que la FWB n’a pas légiféré?

Les ER interrogent quant aux garanties pour le financement des services Espace Rencontre à Bruxelles une fois le transfert effectif et une nouvelle législation harmonisant le secteur en place en FWB. Les ER wallons sont au nombre de 12 et sont sous-financés par la Région wallonne par rapport aux 2 ER Bruxellois financés par la Cocof. La FWB a-t-elle l’intention et les moyens de niveler les services vers le haut ?
Tout cela, constate effaré le secteur, a été décidé sans que les services concernés n’aient été entendus ni même informés sur leur devenir.

Beaucoup de situations restent donc floues et nébuleuses dans le cadre de ce transfert et insécurise tout naturellement le travail des différents intervenants. C’est pourquoi, il nous semble judicieux d’obtenir des réponses aux nombreuses questions restées jusque-là sans réponse.

Ainsi, pouvez-vous me dire :

• Où en sont les protocoles d’accord entre les services flamands et francophones ?
• Qu’en est-il de l’absence de financement d’un organisme de coordination en FWB sans lequel le travail entamé avec les services ne pourra être poursuivi ?
• Quand ce transfert de compétence sera-t-il effectif ?
• Quel sera le calendrier exact ?
• De quelle législation ces services vont-ils dépendre ?
• A-t-on prévu des mesures transitoires ?
• Quel budget sera alloué à leur financement ?
• Quelle sera l’année de référence pour le calcul des montants à transférer ?
• Quelles sont les garanties quant au maintien des acquis cités plus haut lorsque l’on connaît les moyens de la FWB ?
• Par qui ce dossier sera-t-il traité, la FWB ne disposant pas d’administration compétente pour l’Aide aux personnes ?
• L’indépendance vis-à-vis de la justice sera-t-elle garantie dans l’organisation des différents secteurs dans la FWB ?
• Une place pour les services (ER et Services d’Aides aux Justiciables) est-elle assurée dans le groupe de travail organisé dans le cadre du transfert ?
• Quel est l’avenir des services Espaces Rencontres dans le cadre du transfert de compétences au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles alors que la Justice elle-même s’est déclarée incompétente pour continuer à accueillir les ER en son sein il y a une dizaine d’années, sur avis du Conseil d’Etat ?
• Au regard de toutes ces incertitudes, comment le travail auprès de familles très en difficulté, en rupture de liens et précarisées peut-il s’effectuer sereinement quand les services sont si malmenés et insécurisés ?

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