Interpellation de Mme Fatoumata SIDIBE, Députée bruxelloise FDF, à Mme Céline Fremault, Ministre, chargée de la Politique d’aide aux personnes handicapées, de l’Action sociale, de la Famille et des Relations internationales.
Concerne : La lutte contre les violences faites aux femmes. La réponse est disponible ici.
Les violences envers les femmes constituent une des violations des Droits de l’Homme les plus répandues dans tous les pays, quels que soient les groupes socio-économiques, religieux et culturels. C’est un problème de santé publique mondiale. Chaque année, le 25 novembre, la « Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes », donne l’occasion de faire le point est fait sur les avancées et aussi hélas les reculs en la matière. Les associations militantes organisent plusieurs manifestations de sensibilisation sur ce fléau.
En Belgique, différentes mesures ont été prises.
En 2001, le premier « Plan d’action national contre la violence faite aux femmes » a été élaboré. Toutes les actions menées dans le cadre de la lutte contre la violence faite aux femmes étaient enfin coordonnées et établies en concertation. Trois autres plans d’actions ont suivi et ont donné lieu à une définition des violences entre partenaires.
Le quatrième PAN 2010-2014 prévoit un champ d’action élargi à d’autres formes de violences : les mariages forcés, les violences liées à l’honneur et les mutilations génitales féminines.
La mise en place d’une ligne d’écoute professionnelle, la création de structures d’accueil, d’hébergement, d’accompagnement psychologique et juridique, les campagnes de sensibilisation, les formations des policiers et des intervenants de première ligne, l’enregistrement de manière plus effective des plaintes, le travail mené sans relâche par les associations de terrain sont autant de mesures positives.
Aujourd’hui, oui, nous pouvons être fiers. Les dispositions prises en Belgique ont reçu une reconnaissance internationale. Le quatrième plan d’action national de lutte contre la violence entre partenaires et intrafamiliale, coordonné par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, était l’un des 25 favoris pour le Future Policy Award. Nous félicitons tous ceux qui ont pris part à l’élaboration des 122 mesures, à leur coordination, et à leur mise en œuvre.
La nomination pour ce prix, décerné aux politiques qui créent des conditions de vie meilleures pour les générations futures, génère une fierté profitable. Et nous en avons grand besoin. Mais nous avons encore des raisons de rougir. 300 000 femmes ont été victimes de violence, en Belgique, au cours des 12 derniers mois, selon les chiffres de l’enquête de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Nous devons maintenir et atteindre l’objectif zéro, zéro victime, et zéro raison de rougir de honte.
Nous avons encore du travail pour garantir à chacune la sûreté, la justice et l’intégrité des femmes et des filles. De telles circonstances soulignent la nécessité d’évaluer nos pratiques, nos politiques, et nous invitent à procéder avec objectivité, intransigeance et détermination.
Les avancées réalisées par les plans précédents constituent un socle fondamental, que viennent prolonger tous les projets ultérieurs.
Chaque plan est structuré selon plusieurs objectifs incontournables : la sensibilisation, la formation, la prévention, la protection, la prise en charge des victimes et des auteurs, et enfin, la mise en œuvre d’une politique criminelle efficace. Au sein de cette même structure, les mesures devraient être analysées, évaluées et mises à jour de manière continue, progressive et adaptée.
Je voudrais maintenant interroger Madame La Ministre, que je remercie déjà pour ses réponses :
- L’Institut pour l’égalité entre les hommes et les femmes aurait réalisé un nouveau projet de Plan, après consultation des ONG et acteurs de terrains. Quand ce plan sera-t-il proposé au gouvernement ? Peut-on connaître les orientations et nouveautés par rapport aux plans précédents ?
- En matière d’accueil et d’hébergement des victimes, nous sommes confrontés à une pénurie des places d’accueil. Début 2014, un refuge secret pour femmes maltraitées a vu le jour en Région bruxelloise. Il porte à huit le nombre de maisons d’accueil spécifiquement dédiées aux femmes, sur les 16 maisons aujourd’hui agréées et subventionnées par la Commission communautaire française. D’autres initiatives sont-elles envisagées ? Vos compétences en matière d’Action sociale et de Logement est une excellente chose et permettra de créer des ponts entre ces matières.
- En Région wallonne, et à Bruxelles, l’asbl Praxis s’est spécialisée dans la prise en charge des auteurs de violence conjugale. Mesure-t-on sa fréquentation, et son impact ? Comment allez-vous améliorer sa visibilité, et augmenter sa publicité ?
- Quel est le bilan de la ligne téléphonique dédiée aux victimes de mariages forcés, lancée le 3 juillet 2013 ? Des pistes sont-elles envisagées concernant l’hébergement des victimes ?
- A Bruxelles, en matière de prévention, l’année 2013 a vu l’implantation du projet EVRAS. En effet, un protocole d’accord relatif à la vie relationnelle, affective et sexuelle a été adopté le 20 juin 2013 entre la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Région Wallonne et la COCOF, dans le but de créer les synergies nécessaires à la mise en œuvre rapide d’une généralisation de modules d’animation EVRAS à l’ensemble des élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles. La Commission communautaire française est la seule institution qui finance l’enseignement de l’EVRAS au sein des écoles en région bruxelloise.
Pouvez-vous nous dire où en sont ces actions : Qui les dispense? Les centres de planning familiaux disposent-ils tous de l’EVRAS. Comment ? Comment est évaluée la qualité des formateurs ? A quel moment de la scolarité ? A quelle fréquence ? En quoi consistent les animations ? Sont-elles évaluées ?
Lors des débats budgétaires, vous avez en effet que le budget de 300.000 € permet de financer 6165 heures d’animations par année. L’an dernier, la priorité avait été donnée aux écoles techniques et professionnelles où les cours de sciences étaient plus pauvres et ne permettaient pas aux élèves d’aborder cette thématique.
- En juin 2012, le réseau des Stratégies Concertées des luttes contre les MGF (SC-MGF) a initié une recherche-action qui a notamment permis de mettre au jour les difficultés suivantes :
– Tout d’abord, la protection et la prévention des filles nécessite une chaîne d’information de la naissance à la majorité, sans rupture. Or, en Belgique, il n’y a pas de dossier informatisé unique qui suit l’enfant. Des filles à risque d’excision sont ainsi perdues de vue.
– En deuxième lieu, un flou juridique entoure la question de la durée de l’accompagnement d’une famille à risque. Lorsqu’un cas est traité par l’Aide à la Jeunesse, avec intervention du Parquet, il est classé. Le risque est temporairement écarté, mais pour combien de temps ? Les professionnels des associations spécialisées n’ont pas de mandat pour effectuer un suivi à long terme des familles jugées à risque. Il faut voir avec le secteur de l’aide à la jeunesse quel suivi pourrait être mis en place et par qui.
– Le dernier point concerne l’accompagnement des filles excisées ayant moins de 14 ans, dont les besoins sont différents des femmes et jeunes femmes. Les centres n’offrent actuellement pas ou peu de suivi spécifique pour elles.
Ma question sur les MGF est la suivante : comment allez-vous soutenir les associations pour résoudre ces 3 problématiques ?
Lors des débats budgétaires, vous avez annoncé que vous rencontrerez prochainement les représentants du GAMS (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles) en vue d’examiner leur demande de subventionnement.
- Les chiffres concernant les viols sont alarmants. 100 viols par an, 10 % portent plainte. Dans le Pan précédent, il manquait un volet important sur le viol. Le PAN 2014-2018 a été annoncé par votre prédécesseur comme intégrant la lutte contre les violences sexuelles, qu’elles soient intra ou extrafamiliales. Il serait donc prochainement complété par des objectifs et des actions précis de lutte contre le viol, concertés avec le secteur. Pourriez-vous confirmez ceci et nous faire part des actions planifiées ?
Encore une fois, je vous remercie, Madame la Ministre, pour votre attention et vos réponses.