La force des hommes, c’est dire NON aux violences faites aux femmes !

La force des hommes, c’est dire NON aux violences faites aux femmes ! Carte blanche parue dans Le Soir, édition électronique du 25 novembre 2014.

Le mardi 25 novembre 2014 Bookmark and Share

Voici la carte blanche rédigée par la présidente des Femmes FDF pour la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes instaurée par les Nations Unies le 25 novembre.

« S’ils me tuent… Je sortirai mes bras de la tombe et je serai plus forte. »

Tel est le serment fait par Minerva, une des trois sœurs Mirabel, enlevées, torturées, violées et assassinées en République dominicaine sur les ordres du dictateur Trujillo, au pouvoir de 1930 à 1961. C’était le 25 novembre 1960. Jeunes militantes, elles incarnaient l’insoumission politique et sexuelle, la résistance contre la répression et la violence, le combat pour la liberté et la justice. C’est en hommage à leur combat que le 25 novembre a été proclamé « Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes » par l’Assemblée générale de l’ONU, le 17 décembre 1999.

Un problème mondial de santé publique
Le serment de Minerva symbolise le côté « revenant » des mouvements de libération, et, par conséquent, celui persistant des menaces et dominations. Les violences envers les femmes constituent, en effet, une des violations des droits de l’Homme les plus répandues dans tous les pays, quels que soient les groupes socio-économiques, religieux et culturels. C’est un problème de santé publique mondial.

Que ce soit en temps de guerre ou de paix, à la maison, au travail, à l’école, dans la rue, elles subissent les violences sous toutes ses formes : physiques, psychologiques, sexuelles et économiques exercées par le partenaire, sexuelles y compris celles liées au conflit, mariages forcés et précoces, mutilations génitales féminines, traite des personnes, crimes au nom de « l’honneur », meurtres de filles ou de femmes au simple motif qu’elles sont des femmes.

Selon l’OMS, au niveau mondial, 35% des femmes ont subi soit des violences de la part de leur partenaire intime, soit des violences sexuelles de la part d’une autre personne au cours de leur vie. En moyenne, 30% des femmes qui ont vécu en couple ont connu une forme quelconque de violence physique ou sexuelle de la part de leur partenaire. Au niveau mondial, jusqu’à 38% des meurtres de femmes sont perpétrés par un partenaire intime.

Face à ce tsunami de violences, les femmes ne se résignent pas. Car tout comme le soleil n’oublie jamais un village même s’il est petit, elles savent que le soleil de la liberté est pour tous les cieux. Elles se battent individuellement et collectivement. Elles espèrent un renfort massif pour mener ce combat à leurs côtés pour le respect de leurs droits à la liberté, à la dignité, à la sécurité, au respect, à l’intégrité physique, psychique et psychologique, à l’autodétermination sexuelle et reproductive, à l’égalité, à la vie.

La Belgique en panne de ratification
La Déclaration universelle des droits de l’Homme et de nombreux instruments juridiques internationaux ont pour ambition d’assurer le respect des droits fondamentaux des femmes et des filles, et de leur garantir leur droit à une vie exempte de violences. Mais les États manquent à leurs engagements et à leurs obligations de prévenir et d’éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) est entrée en vigueur le 1er août 2014. A ce jour, seuls 15 Etats membres du Conseil de l’Europe l’ont ratifiée ! La Belgique ne l’a pas encore ratifiée ! Ce texte offre un cadre visant à assurer à la fois prévention, large protection des victimes et un mécanisme de poursuites des auteurs. La Convention met l’accent sur l’établissement de rapports et le contrôle de son application.

La ratification de cet instrument juridiquement contraignant, qui complète les instruments juridiques existants à travers le monde, sera un signal fort pour affirmer les droits fondamentaux inviolables des femmes et charrier des changements positifs.
Mais à côté des gouvernements, organisations non gouvernementales, parlements, pouvoirs locaux et associations, il faut que chacun prenne ses responsabilités.

Le moment est venu de créer une chaîne de résistance pour mettre fin à ce pénible hiver de discriminations et de violences, et apporter l’espoir d’un printemps de paix et de sécurité.

Engagez-vous !
Nous avons besoin davantage de voix masculines pour défendre cette cause. Nombre d’entre vous se lèvent déjà contre les violences infligées à l’autre moitié de l’humanité. Oui, vous êtes mus par un formidable militantisme. Vous avez compris que nos destinées sont liées, que les droits humains sont aussi les droits des femmes, que la liberté, la dignité et l’égalité n’ont pas de sexe.

Quelles que soient votre origine, votre appartenance culturelle, religieuse ou philosophique, je m’adresse à vous, père, frère, époux, compagnon, fils, jeune ou vieux. Je m’en viens vous dire que l’offensive que nous menons pour emporter les remparts de l’injustice doit être menée par une armée mixte.

Ensemble, nous pouvons stopper cette pandémie silencieuse qui ronge nos sociétés, détruit des destinées et des vies de génération en génération.
Votre mère, votre sœur, votre voisine, votre amie, votre fille, votre épouse, votre collègue n’en peuvent plus de crier et de n’entendre que l’écho de leurs souffrances. De près ou de loin, vous avez été ou serez un jour ou l’autre confrontés à ces violences commises par vos pairs. La honte doit changer de camp. Les femmes ne doivent pas porter seules le fardeau de la lutte contre les crimes commis contre elles par des hommes. C’est un lourd fardeau. Elles veulent le partager car un seul bras ne peut entourer un baobab. C’est fort de cette vérité que ONU Femmes a initié « HeForShe », une campagne de solidarité pour l’égalité des sexes.

Il est temps de se mobiliser pour affronter le patriarcat ; le système d’oppression historique qui érige la domination des hommes sur les femmes en principe d’organisation de la vie collective et individuelle.

Nous avons besoin de vous maintenant, mais aussi durant tout le temps que durera la lutte car nous ne serons pas satisfaites tant que les femmes continueront à être victimes d’indicibles horreurs. Nous ne devrons pas baisser notre vigilance car si nous avons obtenu de nombreuses avancées en termes de droits, d’autres sont à acquérir et d’autres sont menacés.

On ne nait pas femme, on le devient. On ne nait pas féministe, on le devient. Naître femme, ce n’est pas n’être qu’une femme. C’est être la moitié de l’humanité. C’est naître libre et être égale en droits.

Engagez-vous ! Faites passer le message chez vous, dans vos chaumières, vos lieux de vie, vos bureaux, quartiers. Dans les villes et les campagnes. Soyez les témoins actifs et responsables de votre temps. La force des hommes, c’est de dire non aux violences et discriminations faites aux femmes.

Il est temps de passer massivement à l’action…non violente. Vous pouvez être une arme de libération massive. Plutôt que d’aller à la guerre, allez à la paix ! Brandissez l’arme du respect mutuel ! Oui, vous pouvez faire la différence. Oui, un monde meilleur est possible. Avec l’engagement de tous et de chacun : homme, femme, garçon, fille, parent. Ensemble contre la haine ou le mépris des femmes, pour qu’elles puissent vivre libres et égales.

Ce n’est pas avec une baguette magique qu’on éliminera les violences à l’égard des femmes. Mais je crois au changement.
En travaillant sur la promotion du respect mutuel, sur les changements dans les mentalités et les comportements, la remise en cause des stéréotypes de genre et des discriminations, en misant sur l’éducation au respect et à l’égalité dès le plus jeune âge, il nous faudra moins d’une génération pour réaliser des progrès. Vos fils, petits-fils, fiers de votre engagement et de l’héritage que vous leur aurez légué, reprendront le flambeau et le transmettront à leur tour aux générations suivantes. Les petits garçons et les petites filles pourront grandir dans un monde de respect mutuel, de liberté, d’égalité, de paix. Et si nous rêvions ensemble ?

Fatoumata Sidibé
Députée bruxelloise
Auteure et artiste peintre

N.B. : La photo d’illustration de cet article est celle du bandeau de la page Facebook consacrée à la campagne  » La violence…je dis non ! Quand les hommes s’en mêlent… « , par laquelle les hommes sont invités à rejoindre le groupe et à poster une photo qui témoigne de leur engagement contre toutes les formes de violences à l’égard des femmes.

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