Parlement francophone bruxellois.
Bilan de la lutte contre les mariages forcés et intégration dans le PAN 2015-2019 – vendredi 3 avril 2015
Interpellation de Fatoumata Sidibé, à Mme Céline Frémault, ministre de l’Action sociale et de la Famille. La réponse est disponible ici.
Les mariages forcés sont une réalité. Elle reste méconnue. Elle reste peu visible. En atteste l’absence de chiffres réels sur l’ampleur de cette problématique. Plusieurs études ont cependant été menées sur le sujet.
En Belgique, en 2004, la Direction de l’Egalité des Chances a réalisé une étude sur les mariages forcés intitulée : « Le mariage : un choix pour la vie ? Une enquête sur les aspirations et attentes des jeunes envers le mariage ». Cette enquête menée par l’UCL à la demande de la Communauté française portait sur 1200 élèves (de 15 à 18 ans) à Bruxelles, Liège et Charleroi.
Cette étude avait révélé que 23% des jeunes interrogés se sentaient concernés de près ou de loin par le phénomène des mariages forcés (7 % des jeunes avaient reconnu avoir eu connaissance d’un mariage forcé dans leur famille et 16% d’entre avaient constaté de telles pratiques dans leur entourage).
En 2012, à la demande de la Vice-Première Ministre, Ministre de l’Intérieur et de l’Egalité des chances du gouvernement fédéral et du secrétaire d’Etat à l’Egalité des chances de la Région de Bruxelles-Capitale, une étude a été menée sur le phénomène des mariages forcés en Région bruxelloise dans le cadre du Plan d’Action National de lutte contre la violence (PAN) entre partenaires et d’autres formes de violences intrafamiliales.
Le rapport, effectué par le professeur Andrea Rea et Nawal Bensaid (ULB), avait notamment pour objectif d’évaluer la prévalence de la problématique et de faire une analyse qualitative afin de mieux comprendre les fondements de ce phénomène. L’objectif final était d’émettre des recommandations aux niveaux local, régional et fédéral.
Cette étude a révélé que, selon les chiffres officiels, les cas seraient très rares. Les mariages forcés ne représenteraient même pas 1% des mariages bruxellois. Pourtant des études nous révèlent que des cas sont régulièrement signalés auprès des associations en charge des victimes des mariages forcés.
Serait-ce donc un phénomène surestimé par les médias et les politiques ?
Sachant qu’il est difficile pour les victimes de dénoncer cette violence, et ce pour diverses raisons, une ligne téléphonique spécifique a été créée. Cette initiative est dédiée aux jeunes victimes soumises à des pressions en vue d’un mariage. L’accueil téléphonique du Réseau Mariage Migration a été lancé le 3 juillet 2013. Accessible le lundi de 10h à 14h et le mercredi de 14h à 18h, cette ligne d’écoute (0800 90 901) permet également l’information, l’orientation des usagers et le recueil de données.
A une question écrite posée en décembre 2014, vous me répondiez que durant les 6 premiers mois de fonctionnement de la ligne téléphonique, 12 cas de mariages forcés ont été traités par le réseau. Sur ces 12 victimes, 9 d’entre-elles sont majeures (entre 18 et 23 ans) et 3 autres cas sont mineures.
Ce 24 mars, L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, avec la collaboration de l’International Centre for Reproductive Health (ICRH) et Plan Belgique, a organisé un colloque « Mariages précoces et forcés en Belgique et dans les pays partenaires de la Belgique ».
Au cours de celui-ci, l’ICRH a présenté une étude qualitative sur la problématique en Belgique menée entre 2013 et 2014. Elle confirme l’existence de cette pratique tant chez les minorités ethniques installées depuis longtemps en Belgique que chez les nouveaux migrants. Certaines communautés sont plus touchées que d’autres, l’étude montre que la persistance de cette pratique n’est ni propre à une communauté, ni à une religion ou à une ethnie, mais s’explique par la survivance d’une pratique culturelle genrée. L’étude met l’accent sur la persistance des mariages précoces chez les populations Roms et Afghanes sur la nécessité d’une approche spécifique à leur encontre en matière de sensibilisation. Il y a aussi des populations difficiles à atteindre comme les nouveaux arrivants, les personnes sans papiers.
Mes mariages forcés touchent également les hommes, même si c’est dans une moindre mesure.
Les mêmes constats sont là. Les professionnels sont en demande :
De compétences interculturelles,
D’informations relatives à la législation en vigueur et des droits des victimes,
D’instruments pratiques pour identifier des mariages forcés,
De protocoles d’intervention.
Les mêmes recommandations sont énoncées :
Prévention, sensibilisation et éducation des jeunes filles et garçons, prioritairement, en milieu scolaire,
Sensibilisation et formation des professionnels, notamment au sein des secteurs de la police, mais aussi de la justice, de la santé, de l’enseignement et du social,
Intensification des campagnes d’informations préventives,
Formations de base et continuées des catégories professionnelles confrontées à de telles situations comme les policiers, les officiers de l’état civil, les magistrats, les médecins généralistes et hospitaliers, les enseignants, les assistants sociaux, etc.
J’en viens à présent à mes autres questions, et je vous remercie déjà pour les réponses que vous y apporterez :
- 1) Dans le cadre de l’élaboration du Plan d’action National 2015-2019 par l’IEHF, de nouvelles recommandations relatives à la problématique du mariage forcé sont-elles sorties des rencontres avec les ONG et la société civile ?
- 2) Pourriez-vous me dresser un état des lieux des mesures prises concernant la lutte contre les mariages forcés ? Qu’en est-il de l’hébergement des victimes ?
- 3) Quel est le bilan de la ligne d’écoute téléphonique ?
- 4) Quelles mesures la Commission communautaire française va-t-elle prendre pour améliorer l’accompagnement, la prise en charge et l’hébergement des victimes de mariages forcés ?