Parlement francophone bruxellois
Intervention adressée à Mme Céline Frémault, ministre en charge de la famille et de l’action sociale, dans le à débat sur l’excision – 26 février 2016. La réponse est disponible ici.
Depuis quelques années, la Belgique accueille de plus en plus de femmes victimes de mutilations génitales.
L’étude commanditée par le SPF Santé publique en 2012 estimait à 48.092 le nombre de femmes originaires d’un pays où est pratiquée l’excision, alors que ce chiffre était de 22.840 en 2008.
Parmi celles-ci, 13.112 femmes sont très probablement excisées; ce chiffre a doublé également, puisqu’il était en 2008 de 6.260 femmes.
Enfin, 4.804 femmes sont considérées par les autorités comme potentiellement à risque, contre 1.975 en 2008.
Le phénomène est donc en nette augmentation. Cela est dû à l’arrivée de femmes originaires des pays où l’excision est traditionnellement répandue et à la naissance d’enfants dans ces communautés. Les femmes arrivées ici adultes déjà excisées et en âge de donner naissance sont donc une cible privilégiée.
En Belgique, le plan d’action national 2010-2014 a intégré les mutilations génitales féminines (MGF) et le nouveau plan poursuit ces objectifs. Sur le terrain, beaucoup d’associations sont très actives. Depuis des années, le Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles (GAMS), précurseur incontournable, opère des
stratégies dans des conditions difficiles, y compris financières, pour mobiliser, sensibiliser et former les professionnels,fournissant du suivi à la demande comme des concertations avec les différents acteurs. L’asbl Intact, elle, est active depuis 2009 sur le terrain juridique, orientant et soutenant les professionnels comme les membres de la famille dans les procédures judiciaires en cas de risque d’excision ou d’excision avérée.
Notre législation est très claire en la matière, puisque notre pays a voté en 2001 une loi spécifique qui punit les MGF, la dotant en outre d’une extraterritorialité puisqu’elle permet également de poursuivre les personnes ayant pratiqué l’excision à l’étranger. En effet, le temps des vacances est souvent celui de l’excision dans les pays d’origine. Cependant, depuis l’entrée en vigueur de la loi il y a plus de quinze ans, très peu de plaintes ont été déposées et aucune n’a donné lieu à des poursuites judiciaires.
En 2013, une recherche-action du réseau des stratégies concertées de lutte contre les MGF a montré une augmentation des signalements d’enfants présentant des risques d’excision, notamment au retour des vacances. Ainsi, 52 cas ont été recensés entre le 1er janvier 2009 et le 30 juin 2013. Ces signalements se concentrent en 2012 et 2013, mais les plaintes relatives à des MGF sont rarissimes.
La presse nous apprend que le Parquet n’a ouvert aucun dossier pénal de ce type en 2015. Comment expliquer cette situation ? La pression sociale, la crainte de représailles et le caractère encore tabou de cette pratique au sein des communautés expliquent en grande partie l’extrême rareté des plaintes.
Il y a deux ans, le futur procureur du Roi de Bruxelles, M. Jean-Marc Meilleur, considérait que ce décalage traduisait un problème pour le moins sérieux et récurrent de dépistage par les intervenants médicaux et scolaires. Il est en effet permis de se demander si les mécanismes de prévention et de protection sont suffisants, si les professionnels connaissent assez la problématique et s’ils s’interrogent sur leur rôle et sur- leur obligation de respecter ou non le secret professionnel. Il faut aussi s’interroger sur les moyens adéquats à mettre en oeuvre.
Peut-on pointer un malaise, comme l’a fait le secteur associatif ?
Le malaise des professionnels – médecins, éducateurs ou enseignants -, lorsqu’ils constatent ou suspectent des risques d’excision, est patent. Comment préciser leur rôle, leurs obligations et l’approche la plus adéquate ? Enfin, on peut également pointer le manque d’information et de formation des acteurs judiciaires au sens large – en ce compris la police – qui ne sont peut-être pas toujours outillés.
Vu la précocité croissante de l’âge de l’excision, le monde associatif a suggéré qu’il soit procédé à un examen systématique des organes génitaux des petites filles, comme c’est le cas en France. Mais j’ignore s’il en est bien ainsi lors des consultations de l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE).
Aujourd’hui, même si la Belgique a déjà consenti des efforts, la nécessité de les poursuivre ne fait en tout cas guère de doute. Il faut continuer à définir des lignes directrices pour clarifier les rôles de chacun et à prendre des mesures préventives qui, certes, existent déjà, mais qui devraient à présent être évaluées.
– Pourriez-vous préciser les mesures de sensibilisation du secteur que vous avez prises et la manière dont elles s’articulent aux différents niveaux de pouvoir ?
– Une autre interrogation légitime porte sur la pérennité du soutien à apporter au secteur associatif en général et au GAMS en particulier.