Parlement francophone bruxellois
Interpellation de Mme Fatoumata SIDIBE, Députée bruxelloise DéFI, à Mme Cécile Jodogne, ministre en charge de la Santé – 10 février 2017.
Concerne : La sensibilisation et information sur les dangers de la dépigmentation volontaire. Lire la réponse.
Il y a deux ans, je vous interpellais concernant la dépigmentation volontaire par l’utilisation de produits éclaircissants dans le but d’avoir une peau claire ; pratique qui touche les femmes, les hommes ainsi que les plus jeunes au sein de diverses communautés à Bruxelles et en Belgique, et au-delà de nos frontières. Cette pratique qui se situe autour des années 70 s’est propagée à partir des années 80 en Afrique, en Europe et même aux USA ; au point de devenir aujourd’hui un problème de santé publique.
L’utilisation de produits puissants à des fins de dépigmentation volontaire, phénomène commun à bon nombre de pays africains est un phénomène social qui répond à différentes motivations, bien souvent, encouragées par les préjugés, stéréotypes, les publicités, les effets de mode. Ces produits éclaircissants ont un effet de dépigmentation et interférent avec le processus de formation des mélanines, les pigments responsables de la coloration de la peau. Ils ne sont pas dénués de toxicité. Malgré des règlementations en vigueur, des ingrédients dangereux sont la base de préparations dépigmentantes illicites susceptibles d’être retrouvées sur le marché.
Nous sommes face à un réel problème de santé publique car et les conséquences sur la peau et la santé peuvent être très graves. Certains produits toxiques contiennent des produits dangereux et illicites tels que les dérivés du mercure, l’hydroquinone (interdite pour un usage cutané en cosmétologie), les corticoïdes (principes actifs réservés au domaine médical), le peroxyde d’hydrogène (à des concentrations excluant un usage cosmétique)…
D’autre part, il existe des préparations artisanales utilisant des principes actifs médicamenteux détournés de leur indication et incorporés dans des « cosmétiques ». Certaines lotions sont en réalité des médicaments que des vendeurs peu scrupuleux font passer pour des produits cosmétiques. Si de nombreux usagers ignorent les risques des produits incriminés, certains commerçants vendent ces produits, parfois en connaissance de cause.
Par ailleurs, l’usage thérapeutique des dépigmentants peut être un prétexte pour justifier la dépigmentation volontaire. Cependant, il existerait des produits cosmétiques légalement mis en vente contenant des substances satisfaisant davantage aux conditions de contrôle sanitaire et de règlementation (comme les dérivés de la vitamine A, des acides de fruits, de la vitamine C, des écrans solaires etc.). Les risques encourus par une exposition constante sont réels, affections de la peau (brûlures, eczéma, acné, vergetures, hyperpilosité ou encore de cas fréquents de fragilisation structurelle de la peau entraînant des difficultés à cicatriser. En cas d’application prolongée dans le temps, ces produits pourraient être à l’origine de complications rénales, de diabète, d’hypertension artérielle, de gastrites, de cancer cutané, etc.
En Belgique, c’est l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS), qui est compétente pour informer la population des dangers de tels produits et pour contrôler les commerces susceptibles de les distribuer. Mais en matière de prévention, il faut mettre l’accent via des campagnes ciblées globalement et localement. Faute d’information ou de conseils adaptés, beaucoup de personnes tombent dans le piège de la dépendance, et ignorent les risques encourus ou les minimisent. C’est pourquoi le rôle des pouvoirs publics est primordial.
En France, il existe des associations qui sensibilisent à la prise de conscience des dégâts occasionnés par ces produits éclaircissants. Elles attirent l’attention sur de nombreuses insuffisances, dans la prise en compte de la pathologie, par le ministère français de la Santé et des Affaires sociales et incitent les pouvoirs publics à organiser des campagnes de sensibilisation, de prévention et d’éducation auprès des publics cibles.
En Afrique, des associations prennent la mesure de ce phénomène et exhortent les autorités à s’inscrire dans la dynamique de lutte active contre ce phénomène social. Mais ce fléau tarde à être vraiment pris au sérieux par les autorités publiques.
Notre pays n’est pas en reste. Les ressortissants originaires d’Afrique noire en Belgique, sans compter les autres nationalités, sont concernés par ce risque de santé publique. Sur la base des statistiques concernant la première mention relative à la nationalité dans le registre national de chaque personne, l’IBSA constate que 183.023 personnes en Belgique ont, au 1er janvier 2015, comme première nationalité celle d’un pays de l’Afrique subsaharienne. Cela ne doit pas avoir énormément changé. Dans la Région bruxelloise, 62.491 sont concernées. Cela apparait largement suffisant pour constituer un échantillon représentatif.
Lors de ma dernière QE, vous répondiez que pour cette question importante comme pour d’autres, qui mêlent des enjeux sanitaires et culturels, vous privilégiez une approche globale de promotion de la santé. Vous citiez certaines actions comme l’outil pédagogique d’éducation permanente réalisé par l’ASBL Cultures et santé, subventionnée par la Commission communautaire française en promotion de la santé.
Vous disiez également que cet outil avait été édité récemment et était en cours de diffusion. Il serait disponible en ligne, et dans le centre de documentation de l’ASBL. Enfin, des animations de terrain pilotées par l’association partenaire « Belgik MoJaik » avaient été évoquées.
Vous prévoyiez de demander la constitution d’un groupe de travail composé d’organismes pouvant apporter leur expertise sur cette question. Vous pensiez en particulier à des intervenants travaillant en Maisons médicales, à des associations spécialisées dans la réalisation d’outils pédagogiques destinés aux populations migrantes et à la chercheuse en santé publique dont j’ai évoqué le travail ci-dessus. Vous disiez que ce groupe aurait pour mandat de réaliser une analyse de cette problématique à Bruxelles et, sur la base de cette analyse, de vous fournir un rapport sur l’opportunité d’élaborer un outil didactique informant les populations concernées des risques des produits dépigmentants pour leur santé.
J’en arrive à mes questions :
- Quelle est la chercheuse qui a travaillé sur un échantillon et quels sont ses résultats ?
- Pourriez-vous m’informer du bilan des actions menées par l’ASBL Cultures et santé et son association partenaire « Belgik MoJaik » ?
- Quid de ce groupe de travail composé d’organismes pouvant apporter leur expertise sur cette question. ? A-t-il été constitué ? Si oui, quel est l’état d’avancement de cette réflexion et des conclusions de ce groupe de travail?
- Avez-vous des contacts avec des associations africaines concernant cette thématique ?