Le sort des femmes d’origine étrangère hautement qualifiées sur le marché de l’emploi

Interpellation de Mme Fatoumata SIDIBE, Députée bruxelloise DéFI à Didier Gosuin, ministre de l’Emploi et de la Formation.  La réponse est disponble ici.
Le sort des femmes d’origine étrangère hautement qualifiées sur le marché de l’emploi – Le jeudi 2 février 2017.
En matière de lutte contre les discriminations à l’embauche et de promotion de la diversité, plusieurs outils ont été crées (Charte de la diversité, Plans de diversité, Label diversité…) ; outils dont il faut comme vous dites « évaluer l’efficacité » sans tabou.

Le gouvernement a pris la décision de se doter de dispositifs totalement inédits pour  renforcer la cohérence des mesures récemment adoptées par le Gouvernement Bruxellois en matière de lutter contre les discriminations à l’emploi et pour favoriser l’emploi pour les personnes d’origine étrangère.

Mon interpellation de ce jour concerne le sort des femmes d’origine étrangère hautement qualifiées sur le marché de l’emploi ; non pas que le sort des hommes ne m’intéresse pas, mais c’est parce que je me situe dans une perspective de genre et que je suis régulièrement contactée par des associations de femmes qui s’interrogent sur le fait que l’on présente et perçoit souvent les femmes d’origine étrangère comme peu qualifiées.  Il y a lieu de constater qu’il y a une méconnaissance de ce public. La rareté des travaux de recherches et d’analyses se heurte aux lacunes des données statistiques et sociologiques.

De nombreuses études et actions entreprises corroborent l’intérêt de notre société pour les femmes peu qualifiées.

Pour rappel, en 2010, l’observatoire bruxellois de l’emploi a réalisé une étude intitulée « la situation des femmes étrangères ou d’origine étrangère sur le marché de l’emploi en Région bruxelloise. Approche et territorialité ». Cette étude, publiée en octobre 2012,  portait  sur la problématique du chômage et de l’emploi des femmes étrangères ou d’origine étrangère, analysée à la fois par le biais des nationalités et par l’approche territoriale, à savoir communale et infracommunale.

Ces deux approches complémentaires, l’une de l’autre, ont permis notamment de mettre en évidence la difficulté d’insertion professionnelle et  la position moins favorable sur le marché de l’emploi des personnes – et en particulier les femmes – faiblement qualifiées, d’origine étrangère et  issues des pays extra-européens.

C’est un autre point que j’aimerais porter votre attention : les femmes d’origine étrangère hautement qualifiées et l’emploi. C’est une problématique présente mais peu débattue au sein de notre parlement. J’aimerais mettre en avant ces femmes qui sont en possession d’une qualification justifiée par 1 voire 2 diplômes et qui pourtant se retrouvent relayer à des postes sous-qualifiés. Et cette situation n’est pas uniquement imputable à la discrimination à l’embauche et  à la difficulté d’équivalence des diplômes et de la validation des compétences (dont l’accélération et la simplification font partie de vos mesures en collaboration avec les autorités compétentes en matière de reconnaissance de diplôme (Fédération Wallonie-Bruxelles et Communauté Flamande),  ne sont pas les seuls freins.

J’ai pu relever auprès d’IMAGRI (International Migration and Gender Research Institute) et EPAW (European Platform For Advanced Women) toute une série de témoignages de femmes se retrouvant dans cette situation. Les recherches de « l’IMAGRI » ont ciblé plus particulièrement les russophones venues immigrer en Belgique. Elles montrent que les migrantes « Women Advance Migrant » avaient un statut professionnel dans leur pays d’origine  et qu’elles se voient dans certains cas privées de ce statut en venant travailler en Belgique où elles n’arrivent pas à la réalisation d’un « soi professionnel ».

Car certaines de ces femmes ont justement vocation à se retrouver à des postes hauts gradés mais notre société ne leur facilite pas l’accession à de tels emplois ….

La plupart vont se résigner à occuper des postes en-dessous de leurs compétences. Il faut soutenir ces femmes qui sont un atout pour notre société.  Elles subissent une double discrimination par leur genre et par leur origine. Nous ne pouvons que constater l’inégalité de genre en matière d’accès à l’emploi et dans les conditions de travail. Ces femmes ont quitté leur pays pour différentes raisons notamment dans l’espoir d’obtenir un poste à la hauteur de leurs attentes, un poste pour lequel elles ont obtenu le diplôme adéquat et qui leur permettraient d’accéder à un avenir mérité à la hauteur du travail qu’elles ont fourni.

Elles pensent trouver une porte d’entrée chez nous, une porte vers l’émancipation, la fierté d’être reconnue dans leur travail, mais elles se retrouvent face à de nombreuses portes closes qu’elles doivent patiemment, de manière persévérante, déverrouiller les unes après les autres: la barrière de la langue, la barrière liée au fait d’être une femme, la barrière de leur couleur de peau, l’appartenance culturelle, …..

Entrepreneuriat est une piste et vous avez mis en lumière le soutien que vous apportez à l’entrepreneuriat féminin.  Mais existe-t-il des études et actions plus ciblées envers elles ?

L’observatoire bruxellois du Marché du travail a réalisé une étude en 2003 sur la situation des femmes sur le marché du travail. Il en est ressorti que le taux de chômage des femmes hautement qualifiées non européennes atteint  32,6 % alors qu’il est de 5,7 % parmi la population des femmes belges hautement qualifiées.

Certaines études ont été financées par l’Union Européenne, c’est notamment le cas du projet FEMIDE (Female migrants from developed countries) qui s’est penché sur les femmes originaires de pays anglophones (Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle Zélande et Afrique du Sud) venues immigrer en Italie et en Grèce. Ce projet a montré que malgré leurs qualifications professionnelles, ces femmes restaient sous-employées. Des actions ont été mises en place notamment en préparant davantage les communautés grecque et italienne par le biais d’évènements communs pour permettre aux expatriés et aux hôtes d’apprendre la culture de l’autre.

En Suisse, la Commission fédérale contre le racisme a émis de nombreuses recommandations « visant à promouvoir l’égalité des chances et prévenir la discrimination des personnes hautement qualifiées issues de la migration » qui sont issues d’une étude menée sur les discriminations possibles sur le marché du travail suisse. Nous pouvons donner comme exemples : l’instauration de programmes-passerelles et de programmes d’intégration professionnelle spécifique, l’organisation d’une campagne fédérale dont les instigateurs sont le Service de lutte contre le racisme et la Commission fédérale contre le racisme qui a pour objectifs de tenir compte des qualifications professionnelles surtout chez les femmes, promouvoir la gestion de la diversité, l’instauration de plateformes de candidatures anonymes, reconnaissance du diplôme obtenu dans le pays originaire,…

Le Canada a également  étudié l’accès des migrantes qualifiées sur le marché du travail canadien. Ce pays a compris que cette main d’œuvre était nécessaire pour combler le besoin en force de travail. Cependant l’étude a montré une grande disparité entre les migrants de sexe masculin et ceux de sexe féminin quant aux postes pourvus. En effet, certains secteurs sont peu ouverts aux femmes: les sciences et les technologies ainsi que la médecine.  Bien que le monde médical souffre d’une pénurie de médecins, ces dernières sont exclues de ce domaine.

N’oublions pas que la première étape à l’intégration des migrants passe par la participation au monde du travail. Il est temps d’agir pour toutes ses femmes au potentiel non suffisamment exploité!

Monsieur le ministre, mes questions sont les suivantes:

  1. Afin de permettre leur insertion au sein du marché du travail qui correspond à leur profil, quelles sont les concertations, dialogues mis en place pour accompagner ces femmes?  Des démarches, des formations sont-elles mises en œuvre pour ces femmes hautement qualifiées dans leur parcours d’insertion professionnelle ?
  2. Quels sont les obstacles rencontrés par ces femmes? Des études ont-elles été menées afin d’identifier des constances éventuelles des écueils rencontrés par ces femmes?
  3. Si on dispose d’éclairages permettant de comprendre  l’inactivité et le non-emploi de femmes d’origine étrangères faiblement qualifiées, on dispose de très peu de données concernant  les femmes migrantes possédant au moins un ou deux diplômes universitaires, désireuses de bâtir une nouvelle carrière dans le pays d’accueil. Qui sont-elles ? D’où viennent-elles ?  Où vivent-elles ? Quelles sont leurs aspirations ? Nonobstant les facteurs de discrimination à l’embauche, quels sont les freins à l’accès à une vie professionnelle digne de leur(s) qualification(s) ?

 

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