La prostitution estudiantine et la publicité qui en est faite « #sugarbabies »

Parlement francophone bruxellois
Intervention de Fatoumata Sidibé, à Mme Céline Fremault, ministre en charge de l’Action sociale,
Concerne « la prostitution estudiantine et la publicité qui en est faite « #sugarbabies » » –  6 octobre 2017. La réponse est disponible ici.La prostitution est désormais considérée comme une violence. Elle est incluse à ce titre dans le Plan d’action national de lutte contre toutes les formes de violence basées sur le genre et dans le Plan d’action contre les violences intrafamiliales et sexistes.
Nous avons été nombreuses et nombreux à nous indigner de la campagne orchestrée par un site de rencontres qui propose aux jeunes filles de vendre leurs charmes à des hommes riches. Le slogan s’adressait directement aux étudiantes en les invitant à améliorer leur style de vie et leur quotidien en fréquentant un « sugar daddy ».
Une caravane publicitaire a circulé dans les rues de Bruxelles, sans qu’on puisse y échapper, aux abords d’une université qui est tout de même une porte vers l’émancipation. Cette campagne scandaleuse va à l’encontre de l’égalité hommes-femmes et sous-entend qu’une femme ne peut être indépendante sur le plan financier sans l’apport d’un homme et que, en tout cas, elle a besoin de se faire entretenir.
C’est inacceptable ! C’est une incitation à la prostitution et à la débauche, un appel à la marchandisation du corps, une banalisation de la prostitution, une exploitation de la détresse matérielle, affective, relationnelle et sociale des étudiants les plus vulnérables. La polémique et l’indignation ont abouti à l’introduction de plaintes par les mondes politique, associatif, universitaire et civil. Des communes ont, dans la foulée, interdit la circulation de la caravane sur leur territoire. Le Jury d’éthique publicitaire (JEP) s’est également penché sur la question.
Cette polémique met en exergue la problématique des publicités sexistes dans les médias et dans la rue, mais également les modèles qu’elles véhiculent et leurs conséquences sur les mentalités. Car en renvoyant à une image de soumission et d’infériorité ainsi qu’à des stéréotypes sexistes, ils participent à l’illégalité et à la violence. Il serait vraiment temps que les pouvoirs publics se saisissent de cette question avec force pour trouver un équilibre entre dignité de la personne humaine et liberté de création. Il faut des campagnes de sensibilisation fortes contre le sexisme, notamment à l’adresse du monde de la publicité.
Cette polémique a également mis en évidence un phénomène tabou et occulté, celui de la prostitution étudiante. Ce phénomène touche un public de plus en plus précarisé et vulnérable en raison de l’âge, des difficultés financières et sociales, de l’isolement, de la rupture des liens familiaux et sociaux ou simplement du fait qu’il est méconnu des services sociaux. Ne nous leurrons pas. Nous faisons également face à une évidence, celle de la société consumériste qui incite à la consommation effrénée et dans laquelle la fin parvient à justifier les moyens.
En réponse à une intervention de Mme Susskind il y a deux ans sur la question de la prostitution, vous disiez que les rares travaux réalisés jusqu’à alors en la matière par le docteur Renaud Maes, sociologue et chercheur à l’ULB, démontraient qu’il s’agissait bien d’une activité prostitutionnelle à part entière à laquelle un temps significatif était consacré et qui engendrait un investissement matériel et psychologique très intense, pour des rétributions qui sont dérisoires.
Nous sommes donc loin du cliché selon lequel il s’agit d’un type de prostitution qui viserait uniquement à se faire un peu d’argent de poche ou à acheter un ordinateur, un vêtement, voire à partir en vacances.

  • Avez-vous des données sur la prostitution étudiante tant féminine que masculine ?
  • Vous prévoyiez de lancer une étude sur les nouvelles formes de prostitution, telles que la prostitution étudiante. Son objectif était d’acquérir davantage de connaissances sur les sujets que j’ai déjà évoqués, de collecter, d’actualiser et d’objectiver les données. Elle devait compléter l’étude réalisée par la Région bruxelloise sur la prostitution de rue et en vitrine. Où en est-elle?
  • Qu’en est-il des campagnes de prévention ? Il est urgent de lancer de telles actions pour contrecarrer le discours sexiste ambiant. Il faut aussi informer les jeunes à propos des structures d’aide existantes pour éviter qu’ils entrent dans le cercle de la prostitution dont il est très difficile de sortir.

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