26 juillet 2018 dans La Capitale : Pour plus de rues avec des nos de femmes.
Un projet de résolution pour l’attribution de plus de noms de femmes dans l’espace public.
À la rentrée, les députés bruxellois devront se pencher sur un projet de résolution (déjà cosigné par les partis de la majorité) qui vise à donner plus de noms de femmes pour les rues, dans l’espace public.
Actuellement, les femmes sont sous-représentées par rapport au nombre de rues qui rendent hommage à des hommes.Boulevard Anspach, avenue Brugmann, rond-point Schuman, place Victor Horta, métro Eddy Merckx… Un grand nombre de nos rues rendent hommage à des personnes importantes pour l’histoire de Bruxelles, du pays ou du monde. Mais il s’agit, pour une écrasante majorité, de noms d’hommes. Les femmes sont très peu mises en avant. Ce constat ne concerne pas que la région bruxelloise. En Europe, plusieurs villes déjà réfléchissent et œuvrent pour féminiser les noms de rues.
La députée DéFI Fatoumata Sidibé souhaite que Bruxelles s’engage elle aussi. Elle a donc déposé une proposition de résolution à ce sujet, co-signée par des députés de chaque parti de la majorité. Elle sera discutée en commission des finances et des affaires générales à la rentrée et devrait a priori faire consensus.
Le texte prévoit l’établissement d’un inventaire, par commune voire par quartier, des noms dans l’espace public, « afin d’objectiver le problème
», explique Fatoumata Sidibé. Il s’agira aussi de confier, à une « instance à déterminer », la mission de proposer des noms de femmes qui pourraient servir pour des rues, places, bâtiments, arrêts de transports, etc. Une sorte de liste dans laquelle pourraient puiser les communes.
Ce sont les communes qui restent compétentes pour nommer les rues, mais la députée DéFI espère que ce texte sera un encouragement fort pour que celles-ci soient attentives au déséquilibre actuel entre noms d’hommes et noms de femmes.
« Pour que la ville appartienne aux femmes, il faut aussi que la ville les rende visibles », estime Fatoumata Sidibé. « Dans la conception patriarcale de notre société, les femmes ne sont que locataires de l’espace public, qui reste le terrain des hommes. Cette mesure est positive. Elle met en avant des femmes, ce qui renverse la tendance actuelle où l’on ne montre les femmes que comme des victimes. »
Mercredi, Juillet 25, 2018 – 19:48
En l’absence d’étude précise, on ne peut chiffrer exactement l’écart entre le nombre de rues rendant hommage à des hommes et ceux à des femmes. Nos confrères du Soir avaient estimé qu’à la Ville de Bruxelles, 26 % des rues avaient des noms d’hommes, contre 4 % pour les femmes. Et encore, c’est un bon chiffre. Nous avons fait le même exercice pour Saint-Gilles : 41 % de rues en hommage à des hommes, 0,8 % pour les femmes. À Saint-Josse : 40 % contre 2,6 %. En encore, souvent, les femmes sont en réalité des princesses ou des reines. À Ixelles, récemment, la rue Malibran a été rebaptisée rue Maria Malibran, pour mettre en avant le fait qu’il s’agissait d’une femme, cantatrice.
Mercredi, Juillet 25, 2018 – 19:52
De notre experte en questions de genre, Julie Gillet, chargée d’études aux Femmes Prévoyantes Socialistes
Que pensez-vous de cette proposition pour féminiser les noms de rue ?
C’est symbolique, mais important. Les femmes sont invisibilisées partout, surtout dans l’histoire. Leur donner des noms de rues, cela permet de réécrire l’histoire, réhabiliter les femmes. Il y a eu énormément de femmes importantes, mais on ne les a pas mises en avant. Cela permet aussi de donner des exemples pour les jeunes filles, pour qu’elles puissent se dire qu’elles aussi, elles peuvent être poétesse, scientifique, ou autre.
Pensez-vous que ce changement puisse aider les femmes à se réapproprier l’espace public ?
Cela peut envoyer le message que les femmes ont leur place dans l’espace public, mais il faut surtout des mesures concrètes : éclairage public, trottoirs assez larges pour les poussettes, rues conviviales, terrains sportifs adaptés aux deux sexes…
Mercredi, Juillet 25, 2018 – 19:53
La commune de Molenbeek a cette année rebaptisé une place au nom de Loubna Lafquiri, victime des attentats de Maelbeek. Au-delà de l’hommage, pour la bourgmestre Françoise Schepmans (MR), le fait que Loubna Lafquiri soit une femme était aussi important. « Nous avons 4 rues avec des noms féminins. Il faut changer ça. De façon plus générale, je pense que les autorités sont désormais plus attentives à la question de genre. Quand j’ai commencé la politique il y a 30 ans, personne n’en parlait. »
Mercredi, Juillet 25, 2018 – 19:54
« Noms peut-être ! » est le nom d’une collective (féminin de collectif) qui milite pour mettre en avant les femmes, notamment en les visibilisant dans l’espace public. Féminiser le nom des rues fait partie des revendications de l’organisation féministe. En novembre 2017, pour leur première action, les militantes avaient rebaptisé les rues des Marolles en collant de fausses plaques. La place Poelaert était devenue la place Simone Veil. « Le but est de faire mieux connaître les grandes femmes belges et étrangères au public bruxellois, de sensibiliser à l’invisibilité des femmes dans nos espaces publics et dans l’histoire mais aussi de donner des modèles positifs à toutes les Bruxelloises », expliquait la collective.
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Cette année, en avril, « Noms peut-être ! » s’est intéressée à l’ULB, en rebaptisant cette fois-ci les amphithéâtres et pour dénoncer le fait que seule une salle sur dix, à l’ULB, porte le nom d’une femme. Une action qui a donné des résultats, puisque l’université a décidé en juin, et suite à une rencontre avec la collective, de baptiser cinq auditoires du campus Erasme d’après des femmes remarquables dans des domaines scientifiques.
Plus récemment, « Noms peut-être! » a réagi à l’annonce des noms que porteront les nouvelles rues du site Tour & Taxis. Un concours avait été lancé sur internet pour que le public choisisse des noms. Un jury a ensuite tranché. Sur les 27 rues, seules deux ont des noms de femmes. Il n’y en a pas pour les hommes en revanche, mais les « chicons », le « stoemp » et la « frite » ont leur rue. Une occasion manquée, pour la collective.